Lieux de mémoire
en Rhône-Alpes
Cette grande région couvre les départements de l’Ardèche (07), de la Drôme (26), de l’Isère (38), de la Loire (42), du Rhône (69), de l’Ain (01), de la Savoie (73) et de la Haute-Savoie (74).
C’est à Lyon et autour de Lyon, sur la rive droite du Rhône, ancien Vivarais et Velay et la rive gauche, ancien Dauphiné, que se trouvent encore les plus importantes communautés protestantes.
Lyon
Lyon est le berceau de Pierre Valdo ou Valdès qui a donné son nom au mouvement vaudois pré-réformateur, à la fin du XIIe siècle. Malgré les répressions, des communautés vaudoises subsistent encore aujourd’hui dans le Dauphiné, le Lubéron et le nord de l‘Italie.
La Réforme se manifeste à Lyon dès 1524, à l’église de Sainte-Croix, avec le premier sermon protestant en langue française d’Aimé Maigret.
La Réforme fait beaucoup d’adeptes parmi les ouvriers de la soie et de l’imprimerie. Les « prêches » rassemblent des milliers d’adeptes à la Guillotière.
Le temple de Lyon dit « Paradis » est la figure emblématique du protestantisme à Lyon au XVIe siècle.
En 1562, la ville de Lyon se range aux côtés de Louis I de Bourbon, prince de Condé. Les guerres de religion exercent leurs ravages. À la Saint-Barthélemy, 300 réformés sont massacrés dont le musicien Goudimel. Son corps est jeté dans le Rhône.
Après l’Édit de Nantes, un temple est édifié à 12 km de la ville, à Saint-Romain de Couzon, mais Lyon demeure sous le strict contrôle de l’Église romaine.
Pierre-Encize, prison des protestants fugitifs
À la Révocation, Lyon est un des lieux de passage des protestants pour gagner le Refuge. De nombreux huguenots sont arrêtés avant d’avoir atteint Genève et incarcérés dans les prisons lyonnaises, dont le château de Pierre-Encize.
Après la Révolution, en 1803, on comptait environ 3 000 fidèles à l’église dite de « la Croix-Rousse » composée aussi de Genevois et de Suisses.
Autour de Lyon (Rhône et Loire)
En 1536, un conflit entre Berne et le duc de Savoie permet l’implantation réformée autour de Thonon, mais après 1564 et le départ des Bernois, Saint-François de Sales entreprend de ramener les « égarés » dans la « vraie religion ».
En 1598, les soldats du duc de Savoie parachèvent l’œuvre missionnaire : les réformés doivent abjurer ou émigrer. La proximité de Genève et des cantons suisses fait que le pays se vide de ses habitants protestants.
Dans le pays de Gex, on compte 12 000 protestants au XVIIe siècle : à Divonne, Gex, Cessy, Crozet, Ornex, Ferney, Thoiry, Sergy, Challex, Collonges.
Dès 1662, vingt-et-un temples sont abattus et les dragonnades de 1685 achèveront la conversion des communautés locales à l’exception de celle de Ferney.
À l’ouest de Lyon, le Forez ne connaît que des adhésions individuelles à la Réforme, et de petites églises à Malleval et Saint-Étienne.
Vienne
Au sud de Lyon, à Vienne, les idées évangéliques ne font qu’une percée éphémère, malgré Michel Servet qui y fait imprimer sa Chistianismi Restitutio, ouvrage condamné en 1553 par le clergé local.
À Valence, des « impatients » poussent les fidèles à des actions réprouvées par Calvin et Théodore de Bèze. La répression s’abat en 1560 avec Maugiron, lieutenant des Guise.
Avec l’échec de la Conjuration d’Amboise, en 1560, la répression s’étend à Montélimar et Orange où, après le massacre de protestants, le baron des Adrets, à la tête de bandes huguenotes, se livre à de terribles représailles.
Vivarais (Ardèche)
En 1528, un premier signe de la Réforme apparaît à Annonay : le moine luthérien Étienne Machopolis y prêche contre les abus et superstitions de l’Église. Un de ses successeurs, Étienne Reinier est arrêté et exécuté à Vienne (Drôme).
En 1534, Des foyers d‘ « hérésie » sont signalés à Privas et à Tournon.
En 1561, Annonay, Aubenas, ont des pasteurs. Des communautés réformées se développent à Chalençon, Lamastre, Vernoux, Villeneuve-de-Berg.
En 1598, après trente ans de guerres de religion, l’Édit de Nantes reconnaît 75 lieux de culte en Vivarais et accorde aux protestants quelques places de sécurité (Privas, Vals, Vallon, Le Pouzin, Boutière et Baix).
Olivier de Serres, né à Villeneuve-de-Berg y administre son domaine du Pradel où il écrit son Théâtre d’agriculture, véritable encyclopédie rurale, publié en 1600. (Musée du Pradel et statue à Villeneuve de Berg).
La reconquête de Louis XIII
Après l’assassinat d’Henri IV en 1610, les campagnes militaires de Louis XIII réduisent progressivement le pouvoir des protestants. L’armée protestante du duc de Rohan affronte les troupes royales de 1621 à 1629. À cette date, la ville de Privas défendue par Saint-André Montbrun tombe et connaît pillages, massacres, incendies. Les grottes fortifiées de la Jobernie à Coux ont abrité les protestants privadois de l’époque.
Après 1629, les protestants perdent tout pouvoir militaire et seront chassés de Privas une seconde fois en 1664 au moment où Louis XIV par ses édits restrictifs prépare la Révocation de l’Édit de Nantes. Les temples sont progressivement démolis.
En 1683, Claude Brousson organise la résistance « passive » dirigée en Vivarais par Isaac Homel. On prêche sur les emplacements des temples. Les troupes royales par ordre de Louvois dévastent la région. Les « dragonnades » entraînent des abjurations massives.
Deseignes, une cité huguenote importante au Moyen-Âge avait construit son temple en 1608, au centre du bourg. Rasé par les dragons du Roi en mars 1684, la pierre gravée de sa façade fut conservée dans l’église et remise en place lors de la construction du second temple entre 1823 et 1844.
En 1685, Louis XIV révoque l’Édit de Nantes. 10 % des 40 000 protestants du Vivarais, malgré l’interdiction, choisissent l’exil et prennent le chemin du « Refuge ».
Les assemblées clandestines
Très vite, pour ceux qui restent, de petites assemblées clandestines s’organisent comme à Serres de Lès et en 1689 le mouvement des « inspirés », introduit en Vivarais par Gabriel Astier, est violemment réprimé (plusieurs centaines de morts au Serre de la Palle, où s’élève une stèle commémorative).
Prédicants et « prophètes » continuent à tenir des assemblées malgré exécutions, condamnations à l’emprisonnement ou aux galères.
À partir de 1715, Antoine Court réorganise une « Église du Désert » et de la clandestinité.
Pierre Durand sera le premier pasteur consacré au Désert.
Le musée du Vivarais protestant
Il est installé au Bouchet de Pranles dans la maison du pasteur et de sa sœur Marie Durand, prisonnière pendant 38 ans à la Tour de Constance à Aigues-Mortes.
Une plaque dans le temple de la Pervenche près de Saint-Julien du Gua, évoque le souvenir de trois prédicateurs obstinés (Jean Bernard, Jean Rouvière, Louis Ranc).
Après 1789 et la reconnaissance de la liberté de religion et de culte, on trouve encore 35 000 protestants, soit 12 à 13 % de la population dans le seul département de l’Ardèche ; de nombreux temples reconstruits au cours du XIXe siècle.
Dauphiné (Isère, Drôme et Ain) et Savoie (Savoie et Haute-Savoie)
Après les Cévennes, le Vivarais, l’Alsace et le pays de Montbéliard, le Dauphiné est une des régions de France où le protestantisme a laissé des traces profondes.
Valence
Dès 1549, la Réforme est prêchée à Valence, à l’église des Cordeliers avec le soutien de l’évêque Jean de Montluc, à Montélimar et Romans. En 1559 la répression s’abat avec le duc de Guise qui a autorité sur le Dauphiné.
En 1523, Pierre de Sibiville, correspondant de Zwingli et Œcolampade, prêche à Grenoble. Il est brûlé en 1525. Grenoble devient place de sûreté des protestants à partir de 1561 et connaît des remous sanglants. Le duc de Lesdiguières prend la tête du parti huguenot lors des guerres de religion, puis il participe à l’instauration de la paix religieuse et revient au catholicisme, converti par François de Sales.
Près de Gap, au hameau des Fareaux, naît Guillaume Farel en 1489.
L’adhésion à la Réforme de gentilshommes, de bourgeois, et de simples paysans provoque une floraison de petites églises, comme à Dupuy-Montbrun et Lesdiguières.
Des temples modestes se construisent
Des temples modestes se construisent : à Pons-en-Royans ou Mens-en-Triève.
En Savoie, l'implantation protestante s'avère difficile
Les Ducs de Savoie se montrent plutôt prêts à éradiquer le protestantisme qu’à le favoriser.
Au XVIIe siècle, on compte 72 000 protestants répartis en huit colloques :
- Colloque de Vienne à l’est de Valence – Le prêche a lieu à Beaumont-lès-Valence, le temple de Romans est à Pizançon.
- Colloque de Valentinois – À elle seule, Montélimar regroupe 3 000 fidèles. Autour de Dieulefit et de Bourdeaux la population est aux 2/3 protestante. On trouve des temples à Dieulefit, Vesc, la Bégude de Mazenc, Bourdeaux et Saou, des églises protestantes, à Crest, Aouste, Loriol et Livron.
- Colloque du Diois – À Die, la grande église comptait 4 000 protestants, 3 pasteurs et une académie fondée en 1604. Die est place de sûreté jusqu’en 1627.
- Aux portes du Vercors, dans la vallée, on trouve des temples à Saillans, Pontaix, ou dans la Haute Drôme, à Châtillon-en-Diois, la Motte-Chalençon.
- Colloque des Baronnies – À Orange, on compte 2 400 protestants, 4 pasteurs, 2 temples, un collège, une université, mais elle est sous l’autorité de Guillaume d’Orange dit le Taciturne. On trouve aussi des protestants à Nyons, Vinsobres, Condorcet.
- Colloque du Grésivaudan – Grenoble a une église influente et on trouve aussi beaucoup de petites communautés autour de l’Oisans, la haute vallée de l’Isère, la vallée du Drac et autour de Trièves.
- Colloque du Gapençais : autour de Gap, on compte environ 4 600 protestants
- Colloque de l‘Embrunais : environ 3 800 protestants se regroupent autour d’Embrun, dans la haute vallée de la Durance, au Queyras, à Arvieux, Abriès, Molines, et même Saint-Véran.
- Colloque du Valcluson : environ 11 000 protestants sont assemblés à l’est de Briançon.
Poët-Laval
À Poët-Laval subsiste dans l’ancien temple le Musée du protestantisme dauphinois.
Au XVIIe siècle, l'époque des persécutions
Précédant la Révocation de 1685, la répression s’abat sur le Dauphiné. Des temples sont détruits, l’Édit de Nantes n’est plus appliqué. En 1683 Claude Brousson lance son mouvement de résistance. Les protestants se rassemblent en « Camp de l’Éternel » à La Baume Cornillane puis dans la forêt de Saou. Les dragonnades se succèdent. Pasteurs et laïcs fuient vers Genève. Lorsqu’arrive la Révocation les abjurations tombent en masse, même Orange n’est pas épargné. Le départ vers le Refuge suisse s’accentue, il est estimé à 10 000 émigrants.
La Tour de Crest s’emplit de prisonniers, 247 sont condamnés aux galères.
Des assemblées se réunissent pourtant entre 1686 et 1689 à Montmeyran, Dieulefit, la Motte-Chalençon.
Des mouvements prophétiques se développent, notamment à Saou avec Isabeau Vincent.
Au XVIIIe siècle
Les persécutions subsistent : Jacques Roger est pendu à Grenoble, Louis Ranc à Die en 1745.
Cette triste époque est commémorée aujourd’hui par des rassemblements annuels au col de Menée (au nord de Chatillon-en-Diois) dans le pays de Bourdeaux au « Bois de vache ».
Lorsque la liberté de culte est restaurée, il demeure environ 35 000 protestants dans la Drôme, 5 000 dans l’Isère, 36 000 dans les Hautes-Alpes, 500 à Orange qui est alors rattachée au Vaucluse. Les protestants se trouvent essentiellement en dehors des villes, dans les campagnes où ils sont villageois, cultivateurs, séricicultreurs et éleveurs, avec quelques petits propriétaires industriels du papier à Aouste-Blacons et de la laine à Die et Dieulefit. Dans les Hautes-Alpes, la restauration des communautés protestantes est plus difficile.
Elle sera plus facile dans l’Isère, autour de Mens, la « petite Genève » du XVIIe siècle.
L’empreinte protestante demeure dans le Queyras et les Hautes-Alpes où le musée de Montdauphin retrace l’émigration des Queyrassiens et l’histoire des vaudois.
Bibliographie
- Bücher
- BOLLE Pierre, Protestants en Dauphiné – L’ouverture de la Réforme, collection « Les Patrimoines », Éditions le Dauphiné libéré, 2001
- DUBIEF Henri et POUJOL Jacques, La France protestante, Histoire et Lieux de mémoire, Max Chaleil éditeur, Montpellier, 1992, rééd. 2006, p. 450
- LAURENT René, Promenade à travers les temples de France, Les Presses du Languedoc, Millau, 1996, p. 520
- REYMOND Bernard, L’architecture religieuse des protestants, Labor et Fides, Genève, 1996
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