Professeur d’histoire du christianisme de la Faculté de théologie protestante de l’Unistra, Matthieu Arnold présente une conférence sur les liens entre la ville de Strasbourg et les anabaptismes.
Alors que les réformateurs Martin Bucer et Wolfgang Capiton accueillent dans la cité strasbourgeoise les premiers anabaptistes subissant des persécutions, ces derniers se dispersent ensuite en Alsace, faisant vivre leur conviction pour le pacifisme évangélique dans des assemblées clandestines dans la région.
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Nés en 1525 à Zurich, les anabaptistes sont un courant radical de la Réforme protestante. Leur nom vient de leur pratique du baptême des adultes, qu’ils considéraient comme un acte de foi volontaire, en opposition au baptême des nourrissons.
Une naissance contestée
Le mouvement prend forme autour de figures comme Conrad Grebel et Felix Manz, déçus par la modération de Zwingli. En janvier 1525, ils rebaptisent des croyants adultes, marquant la rupture avec les réformateurs traditionnels. Ce geste déclenche une vague de persécutions, tant de la part des autorités catholiques que protestantes.
Strasbourg : un accueil temporairement tolérant
Strasbourg, ville stratégique de la Réforme, joue un rôle notable dans l’histoire des anabaptistes. Dans les années 1520-1530, la ville accueille plusieurs d’entre eux, notamment Pilgram Marpeck, ingénieur et théologien, qui y développe une vision pacifiste et communautaire du christianisme. Si les autorités strasbourgeoises se montrent au début relativement tolérantes, cette ouverture diminue avec le durcissement des politiques religieuses.
Une expansion sous pression
Malgré la répression, les anabaptistes se dispersent et s’implantent dans plusieurs régions :
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Suisse alémanique, Alsace et Moravie (lieux de repli)
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Pays-Bas, où émergent les mennonites sous l’impulsion de Menno Simons
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Amérique du Nord, refuge durable dès le XVIIe siècle (Amish, Huttérites)
Un héritage vivant
Aujourd’hui, les héritiers des anabaptistes dont les mennonites et les Amish, perpétuent une tradition fondée sur la foi librement choisie, la non-violence, la communauté, et la séparation de l’Église et de l’État.