Une pensée née du choc des réalités
Paul Tillich, né en 1886, est l’un des penseurs religieux majeurs du XXe siècle. Fils de pasteur, il est profondément marqué par son enracinement luthérien dans une Allemagne encore médiévale. Brillant étudiant en philosophie et en théologie, son premier choc se produit lorsqu’il devient pasteur à Berlin et découvre le monde ouvrier. La Première Guerre mondiale, où il sert comme aumônier militaire, le bouleverse profondément, notamment après avoir survécu à une nuit entouré de cadavres. Ces expériences déstabilisent son héritage idéaliste et alimentent sa quête intellectuelle.
Un intellectuel engagé et persécuté
Dans l’entre-deux-guerres, Tillich enseigne dans plusieurs universités allemandes, tout en développant une pensée critique et un « socialisme religieux ». Il dénonce le manque de spiritualité du socialisme politique, et prend position contre l’antisémitisme. Cette posture lui vaut d’être révoqué dès l’arrivée des nazis en 1933. Il trouve alors refuge aux États-Unis, où il commence une nouvelle carrière intellectuelle à Union Seminary, puis à Harvard et Chicago.
Le dialogue interreligieux comme horizon
Tillich s’adapte à la culture américaine, bien différente de l’Europe, et devient une figure très influente. Son œuvre culmine avec un voyage au Japon, qui l’ouvre à d’autres traditions spirituelles, notamment le bouddhisme. Il réfléchit alors à la rencontre entre religions, soulignant que le théologien chrétien doit s’ouvrir aux autres courants de foi. Sa dernière conférence, prononcée aux côtés de Mircea Eliade, porte justement sur ce thème. Il décède peu après, laissant une pensée théologique marquée par le dialogue interculturel, l’engagement et l’expérience humaine.