L’intérieur des temples protestants

L’aménagement intérieur des temples protestants est fondé sur deux principes simples : la commodité et l’austérité. Ces deux principes président à la disposition des lieux, au choix du mobilier, à la décoration et aux objets présents.

La disposition des lieux

 

Tout est fait pour permettre au plus grand nombre d’entendre commodément la parole du prédicateur et faciliter le chant des psaumes ; les fidèles sont donc rassemblés autour de la chaire, suivant deux schémas :

– soit centré, c’est-à-dire en arc de cercle autour de la chaire (temple du Paradis à Lyon, Anduze, Caen, Rouen), ce qui se rencontre dans les temples polygonaux ou ronds (Voujeaucourt, Orléans ou Meyrueis, 1842)

– soit rectangulaire, sur le modèle de Charenton, la chaire étant placée soit au milieu du grand côté, on parle alors d’une installation en large, (Saint-Hippolyte-du-Fort) soit, et c’est le cas le plus fréquent au milieu du petit côté, c’est-à-dire dans l’axe du chœur, et c’est alors une installation en long (Bordeaux, temple du Hâ) ; dans le cas des églises désaffectées données par Napoléon Bonaparte, on retrouve la même disposition, le chœur ayant souvent été muré (l’Oratoire et Pentemont, Paris), avec une prédisposition pour une installation en large en profitant, lorsqu’ils existent, des espaces du transept ; dans le cas contraire, la chaire est déplacée au milieu de la nef.

Les autres caractéristiques sont :

– l’absence de piliers ou colonnes qui risqueraient d’entraver la vue ou l’écoute des fidèles.

– Un éclairage maximum par des baies importantes et sans vitraux, dans le double but de permettre à chacun de participer au culte et au chant des psaumes et de se démarquer de l’obscurité des cathédrales,

– Enfin la présence de tribunes sur un ou deux étages permet d’accueillir jusqu’à plusieurs milliers de fidèles ; à l’origine , elles sont réservées aux hommes.

Ceci dit, la vogue néogothique de la seconde moitié du XIXème siècle, lorsqu’elle ne se limite pas à la façade, entraîne la présence d’éléments architecturaux intérieurs du même style, tels que chapiteaux et croisées d’ogives, voire des transepts, pourtant contraires à la tradition (Étoile à Paris).

Le mobilier

 

Le mobilier d’origine

Le principal élément est la chaire, d’où se déroule l’essentiel du culte ; elle est disposée, comme on l’a vu, de façon à permettre de voir et entendre de façon optimale le prédicateur ; construite le plus souvent en bois, c’est de loin le meuble le plus important du temple. Elle comporte un escalier simple (Étoile, Paris) ou double (Pentemont, Paris ; Terreaux, Lyon), plus rarement l’escalier part de la sacristie (Harskirchen, Bas-Rhin). Elle se compose d’une cuve, d’un pupitre où reposer la Bible, le psautier et les feuillets du sermon, d’un dorsal en bois et d’un abat-voix ayant la double fonction d’améliorer l’audition et d’augmenter la solennité de l’ensemble ; devant la chaire s’étend le plus souvent un parquet surélevé d’une ou plusieurs marches. Les plus anciennes chaires comportent une patère, où le prédicant accroche son chapeau, et un sablier, la longueur des sermons jusqu’au XIXème siècle étant de cinq quarts d’heure (temple du Paradis à Lyon, circa 1570) ; enfin la décoration, à l’opposé des chaires catholiques, est souvent absente ou limitée à une Bible, une colombe, une croix ou un verset biblique (temple Saint-Jean à Nancy). Pour faire face à l’importance du public, on trouve aussi quelques cas de chaires mobiles (Saint-Véran, Hautes-Alpes) ; citons enfin, pour mémoire, le cas des chaires de fortune, comme un simple tonneau, le plus souvent démontables, utilisées pour les Assemblées au Désert.

Les églises luthériennes en revanche restent plus proches du modèle catholique avec la chaire sur le côté, séparant le chœur, réservé au pasteur et au conseil presbytéral, de la nef où s’asseyent les fidèles (église luthérienne Saint-Jean à Paris). Elles ont également la caractéristique d’être ornées dans certaines occasions d’un parement de chaire, pièce de tissu généralement brodée, disposé devant la cuve, tradition reprise dans certains temples (Étoile à Paris).

Un des premiers éléments à apparaître est la mise en place de bancs dans la nef, puis dans les tribunes. À l’origine faits de simples planches posées sur des tréteaux (temple du Paradis à Lyon, circa 1570), ils furent rapidement pourvus de dossiers et d’accotoirs plus ou moins décorés. Lors des persécutions antérieures à la révocation de l’édit de Nantes, l’administration royale exige parfois la suppression des dossiers afin de rendre la présence des fidèles la plus inconfortable possible ; selon les usages de l’époque, les bancs les mieux placés étaient réservés aux notables et aux grandes familles, avec la possibilité de louer certains et de mettre une plaque au nom du bénéficiaire, ce qui ne manque pas d’entraîner par la suite de sérieuses querelles ;

La table de communion (autel chez les luthériens) est avec la chaire l’autre élément essentiel du mobilier ; elle est à l’origine, comme les tables destinées aux repas, amovible et dressée uniquement pour la Sainte-Cène, qui n’a lieu, au début, que deux à quatre fois par an.  Devenue permanente, elle est placée le plus souvent au pied de la chaire, lorsque celle-ci est dans l’axe du chœur, à la place de l’autel catholique. Bien que les usages locaux varient, elle est souvent recouverte d’une nappe blanche, parfois brodée sur laquelle on dispose les ciboires et le plat de communion. Cette nappe est en revanche toujours présente dans les églises luthériennes, pour n’être retirée que le Vendredi Saint.

Les fonts baptismaux ne sont traditionnels que dans les églises luthériennes ayant gardé l’usage hérité du catholicisme.

Plus rarement on peut trouver une chaire de lecteur destinée à la lecture de la Bible (Saint-Esprit, Paris), qui a le plus souvent disparu, remplacée par l’ambon ; on trouve également une chaise de chantre surélevée pour être visible (Cozes, Charente-Maritime) : elle a également progressivement disparu avec l’apparition de l’orgue ou de l’harmonium.

L’évolution

À partir du XIXème siècle, plusieurs évolutions se font jour, notamment sous l’influence du pasteur Eugène Bersier, dont les innovations au temple de l’Étoile à Paris sont rapidement imitées :

Avec les progrès de la sonorisation, la chaire tend à perdre de son importance, et n’être plus utilisée que pour le sermon, la liturgie se faisant alors à partir d’un embon reposant sur le sol, au pied de la chaire. Dans certaines églises évangéliques, l’embon est le seul meuble face au public.

La communion devient un élément important, sa célébration devenant mensuelle, voire dans certains cas hebdomadaire ; la table est toujours centrée ; simple table de bois à l’origine, elle est parfois en pierre ; elle peut être décorée surtout avec la mode néogothique, sa taille croît pour permettre deux files de communiants. Dans les églises désaffectées, l’autel d’origine est parfois conservé (temple de Nancy), quitte à détruire tous ceux des chapelles.

L’usage des fonts baptismaux tend également à se répandre : en pierre ou le plus souvent en bois , ceux-ci disposent d’une vasque destinée à recevoir l’eau (Saint-Esprit à Paris).

L’habitude se répand également à partir du XIXème siècle de présenter une Bible de grande dimension face au public ; elle est disposée sur la table de Sainte-Cène ou sur un lutrin, pupitre reposant sur un pied qui a progressivement remplacé le siège de lecteur (église luthérienne des Billettes, Paris). Lors de l’inauguration d’un temple, on apporte solennellement une telle Bible, on parle alors d’une Bible de dédicace.

L’orgue est longtemps rejeté dans la tradition protestante ; il n’apparaît en France qu’après l’annexion par la France de l’Alsace en 1648, puis du pays de Montbéliard, dans les églises luthériennes (orgues Silbermann au XVIIIème siècle : temple Saint-Jean à Mulhouse); il semble que son développement en France est issu de l’affectation d’anciennes églises catholiques par Napoléon Bonaparte (petit temple de Nîmes) ou le rachat d’orgues provenant d’églises désaffectées, les paroisses les plus pauvres se contentant d’un harmonium (inventé en 1842) ; ceci dit, la plupart des temples possédant un orgue ont également un harmonium pour la pratique du chant. La localisation de l’orgue suscite de nombreux débats : souvent associé, au début, à la chaire dans le chœur (orgue Cavaillé-Coll à Pentemont, 1846), son installation se généralise à la fin du XIXème siècle dans la tribune au-dessus de l’entrée (Limoges ; Étoile à Paris).

 

La décoration

 

À l’origine, la décoration des temples est, suivant les prescriptions de Calvin et de ses suiveurs, d’un dénuement total. On conçoit donc que lors de l’attribution d’anciennes églises à partir de 1804, celles-ci, lorsqu’elles n’avaient pas été pillées, sont dépouillées, sans ménagement, de leurs sculptures, autels et même parfois vitraux, les fresques étant badigeonnées de blanc. Les églises luthériennes sont souvent décorées de fresques ou de tableaux ; ce type de décorations se rencontre plus fréquemment, lorsque les locaux sont également utilisés par les catholiques (simultaneum).

Les seules décorations tolérées à l’origine sont scripturales, sous la forme du Décalogue (Vabre, 1804, et Lourmarin,1806) ; celui-ci peut être accompagné de personnages (Pont-l’Évêque : fresque ornée déposée à la SHPF ; Châtillon, 1636) d’une citation biblique en français (Foyer de l’Âme, 1907 ; Béthanie, 1904 ; grand temple de Lyon, 1884) ou plus rarement en grec ou en hébreu (temple Saint-Ruf, Valence) ou, moins souvent, du Notre Père (Rennes, 1824) ou du Credo.

Cette tradition se poursuit jusqu’à la fin du XIXème siècle ; on voit apparaître au siècle suivant quelques timides représentations figuratives (Auteuil, 1932, avec une rare représentation du Christ crucifié, détruite) mais cette mode passe rapidement. En revanche, la fin du XIXème siècle est marquée par l’apparition de vitraux d’abord colorés (Passy : Max Ingrand), puis décorés de symboles comme le blé et la vigne (Étoile à Paris ; Nilvange), de scènes bibliques (Levallois-Perret, 1987 ; Batignolles, 1866 : Charles-François Champigneulle) ou de portraits de réformateurs (Huningue, Sarrebourg). À noter que, dans certains temples construits après la Première Guerre mondiale, on omet de faire figurer le portrait de Luther, en raison de son origine allemande (Reims, 1923 ; Château-Thierry, 1924). La période récente voit la généralisation des vitraux (vitaux de Vasarely, à Port-Grimaud ; Arcachon et Grasse, anciennes chapelles anglicanes ; Levallois-Perret).

Si la présence d’une grande croix latine, c’est-à-dire dont la branche inférieure est plus longue, est traditionnelle dans les églises luthériennes, elle est beaucoup plus récente chez les réformés et entraîne de longs débats : la première est posée sur la table de communion à l’Étoile en 1876, sous l’influence du pasteur Bersier, mais il faut attendre la Seconde Guerre mondiale pour que l’habitude s’en répande, presque toujours derrière la table de Sainte-Cène (temple de Limoges, 1955 ; Temple Neuf de Metz, 2011).

Au temple de Neuilly-sur-Seine, une très grande croix en bois est implantée dans une niche au-dessus de la chaire.

À noter que, dans les églises luthériennes, on rencontre également une croix de petite taille sur la table de communion, présentée avec le Christ crucifié (église des Billettes à Paris).

Enfin signalons l’apparition, à partir du XVIIIème siècle, mais surtout du siècle suivant, d’un ou le plus souvent deux tableaux de chants (destinés à indiquer les psaumes et les cantiques du jour), plus ou moins ornementés en fonction du décor ambiant, et situés de part et d’autre de la chaire. À noter qu’en 2000 les tableaux de chant de Pentemont, pourtant dus à Baltard, sont supprimés.

 

Les objets religieux

 

Les accessoires de communion

Le service de Sainte-Cène comprend traditionnellement une ou plusieurs coupes de communion à usage collectif, équivalent des calices catholiques, parfois remplacées par de simples gobelets, une patère ou un plat pour mettre le pain, et enfin une aiguière, ou un récipient appelé semaise en Alsace, pour transporter le vin ; ces éléments sont le plus souvent en métal (argent, cuivre, métal argenté, étain) et plus rarement en verre ou en grès. Leur qualité varie selon les moyens de la paroisse, les calvinistes rejetant cependant l’usage des métaux précieux ;  ils sont généralement plus nombreux et plus décorés chez les luthériens, qui y adjoignent le plus souvent une boîte à hosties et des flambeaux. Pendant la période du Désert, les coupes étaient démontables pour pouvoir être mieux dissimulées. Dans la période récente, et pour des raisons d’hygiène, apparaissent des plateaux de petits verres individuels à la place des coupes, notamment chez les luthériens.

Les accessoires de baptême

Que le temple dispose ou non de fonts baptismaux, la paroisse utilise un ensemble composé d’une aiguière munie d’un couvercle pour apporter l’eau (parfois réchauffée) et d’un plat creux destiné à recueillir l’eau ; si l’aiguière ne comporte pas de couvercle, on parle alors d’un pot de baptême, généralement plus petit, l’aiguière étant utilisée surtout par les luthériens, le pot étant plutôt dans la tradition calviniste. Les églises baptistes qui pratiquent le baptême par immersion creusent une piscine baptismale, le plus souvent près de l’autel, recouverte d’un parquet amovible ; cette dernière pratique s’est étendue dans la période récente dans les églises évangéliques.

 

Plaques commémoratives

 

Des plaques sont souvent apposées dans les temples : listes — souvent incomplètes — des pasteurs de la paroisse, monuments aux morts, plaques commémoratives.

 

 

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