Un négociant passionné d’art
Né au Havre au sein d’une famille protestante originaire de Suisse, Olivier Senn étudie le droit à Paris puis s’inscrit au barreau du Havre. En 1893, il se lance dans le commerce et devient administrateur de la Compagnie cotonnière, aux côtés de Charles-Auguste Marande, amateur d’art comme lui, et de son beau-père Ernest Siegfried.
Olivier Senn participe activement à la vie culturelle du Havre. Son intérêt pour la peinture se manifeste en 1896 lorsqu’il adhère à la Société des amis des arts, peu après son père, son beau-père et Charles-Auguste Marande. En 1902, il en devient membre administrateur. En 1906, il devient membre fondateur du Cercle de l’Art Moderne – créé sous l’impulsion des peintres Braque, Dufy et Othon Friesz – aux côtés d’autres grands collectionneurs havrais tels Charles-Auguste Marande, Georges Jean-Aubry, Pieter Van der Velde, Georges Dussueil.
De 1906 à 1909, le Cercle de l’Art Moderne a rassemblé, en quatre expositions au Havre, environ 272 œuvres d’artistes représentant les tendances de la modernité du début du siècle. Ce Cercle a pour objet de « faciliter les manifestations d’un art personnel, en organisant des réunions hebdomadaires, des expositions d’art, des concerts de musique de chambre et des conférences de vulgarisation artistique. »
Le collectionneur
Olivier Senn constitue sa collection au tournant du siècle avec une prédilection pour les peintres impressionnistes (Sisley, Monet, Renoir, Pissarro, Guillaumin), postimpressionnistes et l’art du paysage.
Il enrichit sa collection au gré des opportunités : il achète, revend, échange les toiles et étend sa collection aux néo-impressionnistes (Cross), aux Nabis (Sérusier, Bonnard, Vuillard) et aux Fauves (Marquet, Matisse). Pendant quarante ans, il collectionne Picasso, Renoir, Monet, Marquet, Degas, Vallotton, grâce aux ventes d’ateliers, d’enchères à Drouot, d’achats directs auprès des peintres. Olivier Senn acquiert aussi des œuvres de la seconde moitié du XIXème siècle (Delacroix, Courbet).
Amateur d’art éclectique, Olivier Senn fait des acquisitions audacieuses qui déconcertent parfois ses proches. Il repère des artistes dont le talent est aujourd’hui unanimement reconnu. Il achète un Van Gogh pour le revendre le jour où la valeur du tableau est multipliée par deux.
Il s’intéresse aussi au dessin, notamment en acquérant plus de quarante dessins de jeunesse de Degas ainsi que des aquarelles et pastels de Boudin, Guillaumin et Cross. Il se procure ces œuvres sur le marché de l’art, auprès des galeries parisiennes Bernheim-Jeune, Druet, Durand-Ruel ou en salles des ventes. Collectionneur avisé, Olivier Senn n’est pas pour autant « le collectionneur de toutes les avant-gardes ». En dehors de Marquet, Guillaumin et Vallotton, Olivier Senn achète peu d’œuvres contemporaines. Il est pourtant le premier acquéreur français de Giorgio de Chirico. Une œuvre détonne dans sa collection, c’est « Bougival » du fauve André Derain. Cette toile a été acquise par son beau-père : en 1905, Ernest Siegfried entend provoquer son gendre et ses goûts avant-gardistes en lui offrant cette œuvre parmi les plus « loufoques et les plus laides » exposées au Salon des Indépendants.
Donations au MuMa
Sa petite-fille Hélène Senn-Foulds, hérite de son père cette collection familiale. En 2004, elle lègue au musée Malraux du Havre deux cents œuvres, peintures, dessins et aquarelles, sculptures de la collection Olivier Senn. En 2009, elle offre au MuMa la collection de son père, Édouard Senn (Le Havre 1901- Sallanches 1992), soit soixante-sept nouvelles œuvres, dont quarante-cinq peintures, quinze dessins, cinq gravures et cinq sculptures, signées Picasso ou de Staël. En juillet 2015, Pierre-Maurice Mathey, petit-fils par alliance d’Olivier Senn, effectue une nouvelle donation, ce qui permet l’entrée au MuMa de dix-sept nouvelles œuvres – dix peintures et sept dessins signés Pissarro, Degas, Marquet, Guillaumin ou Boudin.