Martin Luther et la musique
Martin Luther (1483-1548) est non seulement un théologien et un réformateur, mais il est aussi un musicien et un compositeur.
Dans la réforme de la liturgie, il donne au chant de la communauté une place renouvelée. Il compose lui-même une trentaine de chorals et édite, avec d’autres musiciens, un recueil de cantiques. Il demande que le chant soit enseigné dans les écoles.
Cette place que Luther fait à la musique a contribué au développement remarquable de cet art dans les pays de langue allemande.
Une formation à la musique
Lorsque Luther fait ses études à Eisenach, il y reçoit une éducation musicale, avec chant et danse (comme c’est aussi le cas de Melanchthon et de beaucoup de ses contemporains). Il apprend à connaître divers genres musicaux. Par la suite, la vie conventuelle, dans laquelle la liturgie chantée tient une grande place, lui permet de parfaire ses compétences. Luther est en mesure de noter des chants populaires et de les harmoniser, comme il est capable de composer des mélodies sur des psaumes ou sur des paroles de la vie quotidienne. Il fréquente des musiciens : Ludwig Senfl, musicien à la cour de Bavière et Johann Walter, musicien à la cour de Saxe. Celui-ci lui fait rencontrer, à Rome, Josquin des Prez (1440-1521). Après la mort de Frédéric le Sage, Johann Walter soutient Luther auprès de son successeur, Jean le Magnanime, moins porté à apprécier la musique.
Réforme et musique
Au moment où Luther réforme la liturgie du culte, il réserve une place essentielle à la prédication et une autre au chant de la communauté (De l’ordre du service divin dans la communauté, 1523). Ce chant, dit chant choral se définit comme une affirmation de foi, un commentaire spirituel de textes bibliques. Il peut éventuellement être soutenu par l’orgue (à l’époque de petits orgues positifs) ou par une formation instrumentale.
Pour mettre en place ce changement, il faut initier les fidèles à la pratique musicale. L’apprentissage du chant devient une responsabilité des écoles ou des paroisses. Il est assuré par un « cantor » (chantre).
Il faut aussi concevoir et éditer un recueil de cantiques. Cette entreprise qui aboutit au geistliches Gesangbuchlein (petit recueil de chants sacrés) est menée par une équipe de musiciens réunie autour de Luther. Celui-ci a composé lui-même, et sur des textes allemands, trente-six cantiques, certains étant des adaptations libres des psaumes, d’autres étant des commentaires spirituels souvent construits sur des mélodies populaires. Mais Luther ne rejette pas pour autant l’usage du latin dont il apprécie la facile adaptation à l’écriture musicale. D’ailleurs, certains de ses amis compositeurs utiliseront la langue allemande et la latine.
Beaucoup des cantiques de Luther ont traversé le temps : Eine feste Burg ist unser Gott… (C’est un rempart que notre Dieu…) ; Christ lag in Todesbanden… (Christ gisait dans les liens de la mort…) et d’autres. Non seulement ils sont encore en usage dans leur harmonie simple, mais leurs thèmes ont été repris dans de grandes polyphonies : celles de Jean-Sébastien Bach sont particulièrement impressionnantes.
Ces cantiques, traduits, ont aussi traversé les frontières. Ils sont souvent chantés dans les liturgies réformées françaises, en complément des psaumes de Goudimel (Ca 1520-1572) dont Calvin avait préféré l’usage. Le réformateur français, sans doute moins sensible à la musique que Luther, se méfiait d’effets potentiellement trop distrayants du chant choral, pour lequel le thème principal peut donner lieu à diverses variations, ainsi que de l’instrumentation qui l’accompagne.
Dans l'héritage de Luther, Heinrich Schütz, Dietrich Buxtehude et Jean-Sébastien Bach
La place que Luther a réservée à la musique et au chant choral a largement contribué au développement de cet art dans les pays de langue allemande. Heinrich Schütz (1585-1672), Dietrich Buxtehude (1637-1707), Jean-Sébastien Bach (1685-1750) ont souvent utilisé des thèmes luthériens dans leurs cantates et oratorios ; ils ont chacun développé le langage musical et son instrumentation, Jean-Sébastien Bach étant celui d’entre eux qui a donné à ce langage une puissance créatrice rarement égalée. Les uns et les autres appartiennent à des familles de musiciens où l’on trouve des organistes, des violonistes, des clavecinistes, des chantres, des enseignants, des facteurs d’instruments.
On peut faire remonter la compétence musicale de la famille de Jean-Sébastien Bach à Luther : le premier d’entre eux, Hans Bach, fils d’un boulanger, est né aux environs de 1550 et a composé des cantiques. Toute sa descendance, jusqu’à Jean-Chrétien Bach (1735-1782) sera dévouée d’une manière ou d’une autre – cantor, compositeur, facteur d’orgue – à la musique.
Avancement dans le parcours
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