La conversion de Vaudès
Selon la légende, Vaudès se convertit peu après la mort subite de l’un de ses amis. Le jour même, il entend un ménestrel chanter la complainte de saint Alexis, fils d’un riche romain qui avait abandonné sa famille le soir de ses noces pour devenir mendiant. Profondément affecté et craignant pour son salut, Vaudès consulte un théologien qui lui cite un passage de l’Évangile de Matthieu : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux, puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21).
En 1173, inspiré par les enseignements des Évangiles et critiquant la richesse ainsi que la puissance du clergé catholique, Vaudès décide de distribuer sa fortune aux pauvres et d’adopter une vie itinérante. Il commence à prêcher une existence simple, fondée sur la pauvreté volontaire, la lecture des Écritures et la prédication en langue vernaculaire.
Des convictions communes
Rapidement, un groupe se forme autour de Vaudès, une société égalitaire et laïque composée d’associés appelés « les pauvres de Lyon ». Hommes et femmes prêchent dans les villages, sur les places publiques et dans les églises, cherchant à revivre l’expérience des disciples du Christ. Ce mouvement croît rapidement et diffuse ses idées dans toute l’Europe.
Plusieurs convictions les rassemblent autour de Vaudès :
- La pauvreté volontaire : suivant le sermon sur la montagne de Jésus, ils adoptent une vie de pauvreté et de simplicité ;
- La prédication : pour eux, tout croyant, homme ou femme, peut prêcher et interpréter l’Écriture sainte. Les prédicateurs itinérants, appelés « barbes » ou oncles, prêchent dans la langue du peuple avec une lecture littérale de l’Écriture. Leur prédication appelle à la repentance et aux bonnes œuvres.
- L’Écriture comme autorité spirituelle unique : ils encouragent la lecture de la Bible en langue vernaculaire. La « Bible des vaudois » est constituée de quelques textes bibliques et d’extraits de Pères de l’Église traduits en franco-provençal par un clerc, Étienne d’Anse, sur la demande de Vaudès. Les premiers vaudois rejettent la richesse ecclésiastique ainsi que diverses pratiques catholiques telles que le serment, le culte des saints et de la Vierge. Ils prônent la paix.
Le succès du mouvement tourne à la contestation du clergé et de la société chrétienne de l’époque.
La réaction de l’Église catholique
À ses débuts, le mouvement vaudois est soutenu par l’archevêque de Lyon, mais les relations entre les deux parties se détériorent progressivement. L’archevêque Guichard de Pontigny leur interdit de prêcher. En 1179, les vaudois contestent cette décision auprès de Rome. Leur rencontre avec certains membres de la Curie est relatée en latin par Gauthier Map, chanoine de Lincoln et archidiacre d’Oxford : « Ces personnes n’ont pas de résidence fixe, elles vont deux par deux, pieds nus, vêtues de bure, ne possédant rien et partageant tout, suivant l’exemple des apôtres. Leurs débuts sont modestes car ils n’ont pas encore réussi à s’établir, mais si on les laisse faire, ils finiront par nous déloger. » Ce récit illustre la méfiance de Rome malgré la confession de foi catholique signée par Vaudès en 1180.
L’arrivée à Lyon d’un nouvel évêque, Jean de Bellemain, change la donne. Il décide de ne plus tolérer l’activité des vaudois. Les disciples de Vaudès, se considérant comme les véritables fidèles, entrent en opposition avec la hiérarchie ecclésiastique. La rupture officielle intervient en 1184 lorsque le pape Lucius III les excommunie lors du concile de Vérone, qualifiant officiellement le valdéisme d’hérésie. À partir de ce moment, le mouvement vaudois doit opérer dans la clandestinité. Poursuivis par l’Inquisition, ses membres se réfugient dans les montagnes des Alpes et diffusent leurs idées en marge de l’Église catholique.