Au début de la Restauration (1814-1830), la Terreur blanche
La Constitution de 1814 est ambiguë, assurant d’une part la protection de l’État à toutes les confessions, mais déclarant d’autre part le catholicisme « religion d’État ». La Terreur blanche de 1815 va accentuer la méfiance des protestants vis-à-vis des Bourbons.
Les protestants, même légitimistes, prêchent la liberté de conscience
Lassés, comme la plupart des Français, par les guerres incessantes de l’Empereur, et malgré les mauvais souvenirs de l’Ancien Régime, les protestants accueillent sans trop de craintes le retour d’un Bourbon sur le trône de France. Ils pensent que la législation égalitaire de la Révolution et l’évolution des esprits les mettent à l’abri d’un retour de la persécution ou de la simple discrimination. Louis XVIII avait de bons souvenirs de ses relations avec des personnalités protestantes durant son long exil, et un protestant Arnail François de Jaucourt fut l’un des cinq membres du gouvernement provisoire formé après la capitulation de Paris. Deux réformés, Boissy d’Anglas et Antoine Chabaud-Latour participèrent à la rédaction de la Charte constitutionnelle, qui proclamait la liberté de conscience et maintenait le traitement des ministres des cultes reconnus. Le jeune Guizot devenait secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
Mais, après les Cent Jours, la méfiance des protestants vis-à-vis des Bourbons sera motivée par la Terreur blanche de 1815 qui, dans les régions protestantes du Gard, a entraîné le massacre de nombreux huguenots.
La Terreur blanche
On avait appelé Terreur blanche, les mouvements contre-révolutionnaires locaux qui, en 1795, s’étaient formés pour venger la Monarchie de la Révolution (et de la terreur rouge). Ceux qui s’étaient levés, commirent de violents massacres parmi ceux qu’ils accusaient de s’être ralliés à la République.
Par analogie, on a appelé Terreur blanche, le mouvement contre-révolutionnaire et ultra-royaliste qui, au second retour de Louis XVIII, fut dirigé contre tous ceux qui pouvaient être soupçonnés de chercher à s’opposer à la Restauration du fait de leurs engagement antérieurs. Les ennemis supposés étaient alors évidemment les bonapartistes (crainte d’un retour des « Cent jours »), mais aussi les républicains, et enfin les protestants (par hypothèse peu favorables à un régime qui donnait une prééminence de droit aux catholiques).
Les zélateurs d’une monarchie qui serait, non pas constitutionnelle, mais bien pleinement restaurée dans son pouvoir absolu, se sont, dans un premier temps, regroupés au sein de bandes armées qui se levaient spontanément ici et là, (en fait surtout dans le midi de la France). Ils y faisaient régner la terreur : exécutions sommaires, pillages de temples et autres actions d’intimidation violente.
Le succès des députés ultra-royalistes (les Ultras) aux élections d’août 1815, (350 parmi les 400 que comptait la Chambre, dès lors qualifiée d’introuvable) intensifia le mouvement, lequel se crut doté d’une vraie légalité. Des règlements de comptes (et notamment l’épuration de la fonction publique et de l’armée) furent alors engagés en toute impunité apparente. Le climat de plus en plus tendu faisait craindre le pire à tous ceux qui étaient des cibles potentielles. Les protestants évoquèrent même la crainte d’un retour de la Saint-Barthélemy.
Mais après l’assassinat du maréchal Brune à Avignon et du général Ramel à Toulouse et l’exécution du maréchal Ney et de généraux d’Empire, après des propositions de loi privilégiant outrageusement l’Église catholique, Louis XVIII – cet homme plutôt réaliste – mit fin à ces agissements en dissolvant la Chambre introuvable. Des soubresauts ne purent toutefois pas être évités, au moins jusqu’en 1820. C’est à Nîmes, ainsi que dans plusieurs villages des Cévennes ou de l’Ariège, que les protestants eurent le plus à souffrir de ce réveil d’antagonismes ancrés dans une longue histoire de persécutions.
Le retour au calme
Entre rumeur et réalité, il est difficile d’apprécier le nombre de ceux qui furent victimes de la Terreur blanche. Mais en tout état de cause, la communauté protestante dans son ensemble en conçut une grande méfiance à l’égard de la Monarchie restaurée.
Tout ceci va fortement contribuer à classer les protestants « à gauche ». Guizot, fonctionnaire destitué en 1820, dont les cours à la Sorbonne sont suspendus de 1822 à 1828, devient un opposant déterminé. Les protestants, qui n’ont du reste joué aucun rôle particulier dans la révolution de 1830, seront dans leur grande majorité satisfaits de la disparition du régime de Charles X.
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