André Gide (1869-1951)
André Gide est l’un des écrivains français les plus importants de la première moitié du XXe siècle. Né dans une famille protestante, il reçoit une éducation austère dont la marque se retrouve dans une œuvre littéraire considérable, où la hantise du péché et la recherche du bonheur s’opposeront continuellement.
La jeunesse : une éducation austère, une mère omniprésente
André Gide est né à Paris le 22 novembre 1869. Son père juriste, originaire d’Uzès est titulaire d’une chaire de droit romain à la Faculté de Droit de Paris. Il meurt en 1880, laissant l’éducation de son fils unique à sa femme issue d’une famille normande fortunée, très rigide, marquée elle-même par une mère d’un calvinisme quasi fanatique et par le souvenir du grand père, Tancrède Gide dont André dira plus tard qu’il était de la race des « tutoyeurs de Dieu ».
Après des études sans éclat à l’École Alsacienne, coupées par de fréquents séjours dans des lieux de cure, nécessités par une santé fragile que surveille une mère très précautionneuse, André fait sa « rhétorique » au lycée Henri IV.
Il s’ est lié très jeune avec François de Witt- Guizot, dont la maison familiale du Val Richer est proche de celle de sa famille maternelle : La Roque dans le village de Cuverville en Normandie.
L’ami de ses années d’école est Pierre Louÿs (1870-1925), le futur poète symboliste.
En 1890, à l’occasion d’un séjour à Montpellier, chez son oncle Charles Gide, l’économiste, il rencontre Paul Valéry (1871-1945) dont il dira qu’il fut pour lui « l’âme frère ».
Sa mère l’ayant enfin autorisé à découvrir la bibliothèque de son père il se jette à corps perdu dans la lecture de Saint-Augustin, Pascal, Bossuet et Goethe pour lequel il professera toujours une véritable vénération.
Le journal intime d’Amiel et les Confessions de Jean-Jacques Rousseau le poussent vers une introspection passionnée. Elle se traduira dès 1887 par le début de la rédaction d’un Journal, qu’il tiendra presque au jour le jour, sa vie durant.
L'entrée en littérature
En 1891, Gide publie Les Cahiers d’André Walter dont il a fait son double. L’ouvrage est immédiatement remarqué par quelques grandes figures de cette époque : Maurice Barrès, José-Marie de Hérédia, Maurice Maeterlinck, et surtout Stéphane Mallarmé, le chef incontesté de l’École Symboliste.
À partir de ce moment Gide « entre en littérature ».
Il voyage aussi avec des amis, connaît de grandes exaltations lors d’un premier séjour en Algérie en 1893-94, où il s’abandonne à ses penchants homosexuels et c’est là qu’il rencontre pour la deuxième fois Oscar Wilde, dont il avait fait la connaissance en 1891.
La mort de sa mère en 1895 le soulage d’une tutelle oppressante et le pousse quelques mois plus tard vers le mariage avec sa cousine germaine Madeleine Rondeaux (1867-1938).
Ce mariage « blanc » désiré par André dès son adolescence, sera malgré son échec, un point d’ancrage affectif et moral dont sa nature perpétuellement tourmentée par des pulsions contraires, avait besoin.
En 1897 Gide publie Les Nourritures Terrestres une de ses œuvres les plus célèbres, qui prône le refus des servitudes de tous ordres, la recherche du plaisir, du bonheur de vivre, sorte de traité hédoniste qui eut immédiatement une grande influence sur la jeunesse, influence qui ne s’est jamais démentie depuis.
Après alterneront des œuvres d’un grand puritanisme : La Porte étroite, récit transposé de son échec conjugal (1909), La Symphonie Pastorale (1919) – dont le réalisateur Jean Delannoy fera un film célèbre mettant en scène un pasteur – avec celles célébrant la joie des sens : l’Immoraliste, Les Caves du Vatican (1914) dont le héros fait l’apologie de l’acte gratuit. Si le Grain ne meurt qui paraît en 1920 est une sorte d’autobiographie de sa jeunesse, où le talent de l’écriture rend encore plus cruel son jugement sur son éducation protestante.
En 1924, paraît Corydon, médiocre apologie de l’homosexualité qui déclenche les foudres de ses amis catholiques puis Les Faux Monnayeurs (1925) son roman le plus ambitieux.
Gide s’est aussi affronté, dès 1901, au théâtre avec Le Roi Candaule, qui n’aura qu’une représentation – Œdipe en 1931 et enfin Thésée – sorte de testament littéraire en 1946.
En même temps, Gide exerce une activité de mentor littéraire dans les années si riches du début du siècle. Il est un des initiateurs de la Nouvelle Revue Française, dont le premier numéro paraît en novembre 1908, et à laquelle participeront tous les écrivains de sa génération qui sont en même temps ses amis : Paul Claudel, Jean Schlumberger, Roger Martin du Gard, Francis Jammes, Paul Valéry, Henri Ghéon et d’autres.
Les débats religieux, les engagements politiques
Gide a été toute sa vie un lecteur assidu de la Bible et les échanges qu’il a avec François Mauriac, Paul Claudel, Henri Ghéon, agnostique qui se convertit et le fait savoir, le poussent à une constante réflexion sur la religion. Mais marqué par son éducation puritaine où l’observance d’une morale stricte tient lieu de foi, il est très éloigné des certitudes de ses amis catholiques.
« Il n’existe presque rien sur quoi je n’ai pas changé d’avis » écrira Gide dans son journal à la fin de sa vie. Cette confession est sans aucun doute, particulièrement vraie concernant ses positions sur les problèmes politiques de son temps.
Il s’engagera sans enthousiasme excessif aux côtés des dreyfusards en 1898-99, mais flirte aussi avec l’Action Française par admiration pour Maurice Barrès.
N’étant pas mobilisé en 1914, il remplit une tâche « obscure mais efficace » dans un foyer d’accueil pour les réfugiés. Il y fera la connaissance de Charles du Bos qui deviendra le confident très intime de ses questionnements religieux.
Après la guerre Gide se passionne pour les problèmes posés par le colonialisme. Il passe presqu’un an en 1926-27 au Congo et au Tchad, Il livrera ses impressions de voyage à son ami Léon Blum qui dirige à ce moment-là le quotidien socialiste Le Populaire.
Ces récits seront ensuite publiés sous les titres : Voyage au Congo (1927) et Le Retour du Tchad (1928).
Il tente par la suite de se rapprocher du communisme. Il y voit une « nouvelle aventure de l’esprit ». « Jamais je ne me suis penché sur l’avenir avec une curiosité plus passionnée » écrira-t-il dans son Journal en 1936.
Il va à Berlin avec André Malraux en janvier 1934 pour essayer de faire libérer un dirigeant communiste bulgare, puis en 1936, galvanisé par la victoire du Front Populaire, il va passer deux mois en U.R.S.S. où il retrouve Aragon. Mais assez vite la réalité des purges staliniennes et des camps lui ouvre les yeux, et il publiera Retour d’U.R.S.S. (1936) et Retouches à mon retour d’U.R.S.S. (1937) que ses amis très proches du communisme dans ces années-là, lui reprocheront durement.
Mais l’âge venant, il prend du recul par rapport à tous les problèmes de l’entre deux guerres. Il vit entouré d’un « cénacle » de fidèles parmi lesquelles Maria Van Rysselberghe, dite « La Petite dame » joue un grand rôle. Il a eu avec sa fille Elisabeth Herbart une courte liaison d’où naîtra en 1923, sa fille Catherine Lambert-Gide.
Il s’isole dans la rédaction de son journal, reçoit le prix Nobel en 1947 et meurt à Paris en 1951.
André Gide a toujours eu une notoriété contrastée. Malgré l’insuccès relatif de ses romans au moment de leur parution, malgré le scandale que soulèvent certaines de ses prises de position sur les problèmes de mœurs, et une certaine désaffection pour son œuvre de nos jours, il reste par son importance dans la vie littéraire, par la beauté classique de sa langue, le « contemporain capital » comme dira André Malraux des quarante premières années du XXe siècle.
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