Le mouvement
des sociétés bibliques
Au début du 19ème siècle, la Bible est traduite dans la plupart des langues européennes, mais son usage est toujours réservé à une minorité instruite. Les classes pauvres, ouvriers ou paysans, n’ont pas accès à la lecture. Les bibles imprimées sont rares et coûteuses.
Mary Jones et sa Bible
Une jeune paysanne du Pays de Galles, Mary Jones (1784-1864), ayant appris à lire grâce au mouvement des « écoles du dimanche », rêve de posséder une Bible dans sa langue, le gallois. A l’âge de 15 ans, après avoir économisé durant six années, elle entreprend une marche d’une quarantaine de kilomètres pour se rendre à la ville de Bala afin d’y acheter sa bible. Elle y rencontre le pasteur Thomas Charles qui lui offre l’ouvrage désiré. Le pasteur, touché par la détermination de Mary, prend conscience de la pénurie de bibles et des besoins de milliers de foyers pauvres. Il se rend à Londres et mobilise un réseau de personnes partageant la même vision. C’est le début de la première Société biblique.
C’est ainsi que naît le mouvement des Sociétés bibliques. La première d’entre elles, la Société britannique, British and Foreign Bible Society (BFBS), fondée à Londres en 1804, a pour vocation de « traduire, imprimer et distribuer la Bible, sans notes ou commentaires, dans les Îles britanniques et partout dans le monde ». Elle collabore avec les missions protestantes, soutient des chantiers de traduction en Chine, en Inde, sur le continent africain. En 1804, la Bible n’existait qu’en 80 langues. 150 ans plus tard, la Société britannique (BFBS) et les autres Sociétés bibliques avaient contribué à sa diffusion dans plus de mille langues supplémentaires.
En Europe, d’autres Sociétés bibliques nationales voient le jour : Suisse (1804), Écosse (1809), Finlande, Hongrie (1812), Pays-Bas (1814), Suède (1815), France (1818)…
Aujourd’hui, regroupées en 1946 au sein de l’« Alliance biblique universelle », 147 Sociétés bibliques sont présentes dans près de 200 pays.
Les colporteurs
Au milieu du 19ème siècle, les Sociétés bibliques intensifient le recours aux colporteurs pour diffuser la Bible. Vers 1900, la Société biblique britannique et étrangère (BFBS) en emploie environ 1000, en Europe et dans le monde. A la différence des missionnaires étrangers, les colporteurs bibliques sont des nationaux, familiers des gens qu’ils visitent, et parlant la même langue. Ils parcourent villes et villages pour apporter la Bible de maison en maison jusque dans les lieux les plus reculés.
L'apport des Sociétés bibliques dans l'expansion du protestantisme.
La Bible est centrale dans le protestantisme. Cette conviction sous-tend le but poursuivi par les sociétés bibliques : faire en sorte que la Bible soit accessible (financièrement et linguistiquement). Le principe protestant de la lecture personnelle de la Bible est mis en valeur et rendu possible à une population sans cesse croissante. Le rôle des colporteurs, qui diffusent la Bible et encouragent la lecture personnelle, contribue aussi à renforcer des positions plus protestantes que catholiques tout au long du 19ème siècle.
L'éviction des livres deutérocanoniques dans les bibles protestantes au 19ème siècle.
Les livres deutérocanoniques sont des livres de l’Ancien Testament écrits en grec et ne faisant pas partie du canon de la Bible hébraïque. On les trouve dans la version grecque du Premier Testament, la Septante. Leur canonicité n’a été reconnue par l’Église catholique que dans un deuxième temps (en grec, deuteros = deuxième) au 16ème siècle. Ils sont considérés par les Réformateurs comme utiles, mais ne faisant pas partie des livres divinement inspirés. Dans les traductions de la Bible faites par des protestants dès le 16ème siècle, ces livres sont placés à la fin des Bibles, après l’Apocalypse. et sont désignés par le terme d’« apocryphes » qui signifie « cachés ».
Au 19ème siècle, les Sociétés bibliques cherchent à diffuser la Bible le plus largement possible, et au coût le plus bas possible. Cette contrainte, conjuguée à la position des revivalistes selon laquelle il ne faut pas ajouter de parole humaine à la parole de Dieu, finit par entraîner la Société britannique à supprimer les deutérocanoniques dès 1826. Cette Société est celle qui diffuse le plus de Bibles à l’époque, et, malgré la résistance pendant quelques années de la Société biblique de Paris, l’habitude de la suppression des livres deutérocanoniques dans les bibles protestantes prend le dessus au cours du 19ème siècle.
Vatican II, le tournant du 20ème siècle
L’élan biblique créé par les Sociétés bibliques est d’abord bien accueilli par l’Église catholique. En Allemagne, des évêques et des prêtres encouragent la création de la Société biblique centrale de Prusse. Mais, rapidement, Rome condamne le mouvement. En 1824, le pape Léon XII fustige la Société biblique anglaise qui « s’efforce, par tous les moyens, de traduire, ou plutôt de contrefaire, l’Écriture Sainte dans toutes les langues nationales ». Un décret de 1864 condamne les Sociétés bibliques, les assimilant au « socialisme, communisme, et sociétés clandestines ».
Pourtant, un siècle après, dans le cadre du concile Vatican II, l’encyclique Dei verbum encourage clairement la pratique de la lecture biblique – jusqu’alors largement considérée comme « protestante » -, et la collaboration avec les « frères séparés » pour produire des éditions bibliques accessibles à tous. Un document directeur des principes de traduction est édité conjointement par l’Église catholique et l’Alliance biblique universelle.
La TOB, traduction œcuménique de la Bible en français , première mondiale , paraît en 1975 après une quinzaine d’années de travail commun : pour la première fois, texte biblique, notes et commentaires ont été rédigés conjointement par des protestants et des catholiques. En 2010, la troisième révision de cette traduction intègre 6 livres deutérocanoniques supplémentaires, en usage dans les églises orthodoxes.
Les expositions bibliques de l'ABF
Depuis les années 1950, l’Alliance biblique française (ABF) organise des expositions sur la Bible conçues pour expliquer au grand public l’histoire de la transmission du texte, et le contexte de sa naissance. L’Alliance biblique française n’est affiliée à aucune église particulière et veille à ce que ses expositions reflètent l’étendue des opinions en présence. Régulièrement renouvelées, ces expositions bibliques sont adaptées aux goûts et aux habitudes du grand public en matière de muséographie.
L’exposition de l’ABF, intitulée « la Bible, patrimoine de l’humanité », a été inaugurée en février 2010 à l’UNESCO. Elle propose, au moyen d’une présentation interactive et multimédia, une approche culturelle de la Bible, de l’histoire de sa création, de sa transmission, et de son influence sur les cultures du monde.
Chiffres de diffusion
Les Sociétés bibliques regroupées au sein de l’Alliance biblique universelle ne sont pas les seules à diffuser des Bibles. Néanmoins elles constituent le plus important pôle de diffusion biblique au monde. En 2009, elles ont diffusé 29 millions de Bibles, 11 millions de Nouveaux Testaments, et 390 millions d’extraits ou de livrets d’aide à la lecture biblique. En 2010, la moitié de ces ouvrages est diffusée par la seule Société biblique brésilienne !
Les nouvelles traductions : TOB, LSF, BdJ
En 2010 deux traductions ont vu le jour, fruit du travail de la Société biblique française, la branche éditoriale de l’Alliance biblique française :
- La TOB, troisième révision de la traduction œcuménique de la Bible née en 1975, et qui intègre désormais 6 livres deutérocanoniques supplémentaires en usage dans les églises orthodoxes.
- L’évangile de Luc en Langue des signes française (LSF), sous forme de trois DVD vidéo. Fruit d’un travail de trois ans pour plus de 100 personnes, cette première traduction d’un livre de la Bible en LSF comprend 90 nouveaux signes.
En 2010, deux traductions ont vu le jour, fruit du travail de l’Alliance Biblique française.
En 2011 parait la « Bible des Jeunes » ZeBible, Bible annotée pour un public jeune et peu habitué à la lecture biblique. Le texte de la Bible en français courant est accompagné de notes explicatives, de fiches personnages et de dossiers thématiques qui accompagnent la découverte biblique.
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