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Les protestants face à la traite négrière

L’esclavage reste une plaie non refermée qui traverse les « communautés » noires. Certains protestants ont participé au commerce négrier. D’autres furent le fer de lance de l’abolitionnisme. Analyse de Jean-François Zorn.

L’esclavage reste une plaie non refermée qui traverse les « communautés » noires. Certains protestants ont participé au commerce négrier. D’autres furent le fer de lance de l’abolitionnisme. Analyse de Jean-François Zorn. (15:37 min)

Dans cette vidéo, l’historien Jean-François Zorn analyse la manière dont les protestants ont réagi face à la traite négrière et à l’esclavage. Il rappelle que l’esclavage transatlantique, distinct de celui de l’Antiquité, s’étend du XVe au XIXe siècle et constitue une première forme de mondialisation, reposant sur un commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Pendant longtemps, les Églises ont gardé le silence, voire justifié le système comme économiquement nécessaire. Certaines ont même envoyé des aumôniers sur les navires négriers, non pour contester l’esclavage, mais pour surveiller les conditions de transport des captifs.

Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que des voix chrétiennes, notamment dans les milieux protestants évangéliques anglo-saxons, commencent à dénoncer l’esclavage. En France, ce mouvement prend de l’ampleur au début du XIXe siècle, avec des figures protestantes comme Benjamin-Sigismond Frossard et Guillaume de Félice, qui militent activement, notamment par des campagnes de pétitions dans les Églises. L’historiographie française a souvent minimisé l’impact de ces courants religieux en raison de leur origine protestante et de leur lien perçu avec la Grande-Bretagne, pourtant les réseaux abolitionnistes français et britanniques étaient bien connectés.

Zorn souligne que le message chrétien a été paradoxalement utilisé pour à la fois légitimer et contester l’esclavage. Des esclaves, convertis au christianisme, ont trouvé dans l’Évangile un message d’émancipation, percevant dans la figure du Christ souffrant un Dieu solidaire des opprimés. Ainsi, le christianisme s’est transformé en un outil de résistance intérieure. Ce processus d’appropriation du message religieux par les esclaves eux-mêmes a contribué à la naissance du gospel et à une conscience de dignité humaine fondée sur la foi. Le protestantisme a donc joué un rôle ambivalent, mais essentiel, dans le long cheminement vers l’abolition.