La remise en question de l’affichage des thèses
Dans cet entretien, Marc Lienhard revient sur le célèbre épisode de l’affichage des 95 thèses de Martin Luther. Longtemps, des historiens ont douté de la réalité matérielle de cet affichage sur les portes de l’église de Wittenberg, supposant plutôt qu’il s’agissait d’un document universitaire destiné à une discussion théologique. Cependant, les recherches récentes tendent à confirmer que l’affichage a bien eu lieu, même si l’essentiel demeure ailleurs : ces thèses furent rapidement diffusées, imprimées et traduites, atteignant Strasbourg dès le début de l’année 1518.
La dénonciation d’un christianisme marchandisé
Le cœur du propos de Luther dans ces thèses vise les dérives autour des indulgences, ces remises de peine proposées aux fidèles en échange d’actions pieuses ou, plus fréquemment à cette époque, de sommes d’argent. Il dénonce l’abus d’un système qui dénature l’essence du pardon chrétien en le réduisant à une transaction économique. La critique est d’autant plus sévère que certains prédicateurs, comme le dominicain Tetzel, affirmaient que les indulgences pouvaient même anticiper le pardon de péchés futurs ou libérer les âmes du purgatoire. Pour Luther, cela nie le fondement même de la pénitence authentique et de la grâce divine.
Une crise de conscience ecclésiologique
Au-delà des abus financiers, Luther remet implicitement en cause l’autorité pontificale elle-même, en questionnant le pouvoir du pape sur le purgatoire et sa légitimité à déléguer ce pouvoir. Cette remise en cause est ce qui provoquera la rupture, car elle touche au cœur de l’ecclésiologie catholique. Pour Luther, il ne s’agit pas d’un simple débat théologique, mais d’une question fondamentale : l’accès à la grâce du Christ. C’est pourquoi, face aux demandes de rétractation, il affirme ne pouvoir renier une conviction dans laquelle il a découvert l’Évangile même. Ainsi naît une réforme dont l’écho continue de retentir.