Un avertissement
à l’intention des gens simples
Calvin s’adresse plutôt, selon ses propres termes, aux gens simples, en l’occurrence à ceux qui ne sont pas instruits, mais qui ont été sensibles aux courants de la Réforme, ceux qui ont aimé entendre, parfois au fond des campagnes, la lecture de la Bible et les sermons prononcés par des moines acquis aux idées de Luther.
Le calendrier des bergers au XVe siècle
Si beaucoup de paysans ont été séduits par le contact avec l’évangile que leur proposaient des moines enthousiastes des propos de Luther, ils peuvent aussi être crédules, et devenir une proie facile des marchands d’horoscopes en tous genres dont les propos éveillent des craintes très « saintes », approuvées par l’Eglise romaine, et à l’occasion par Catherine de Médicis.
Le Calendrier des Bergers, rédigé à la fin du XVe siècle (et récemment réédité, PUF et Bibliothèque Bodmer, 2008) est l’un de ces manuels pleins de conseils pratiques et de propos édifiants se rapportant à la position des étoiles, et mélangeant hardiment, savoir, bribes de savoir et superstitions.
L'Avertissement de Calvin s'apparente à celui que l'Apôtre Paul a adressé aux Galates
Galates 1. 6-7 : J’admire avec quelle rapidité vous vous détournez de celui qui vous a appelé par la grâce du Christ pour passer à un autre évangile. Non qu’il y en ait un autre ; il y a seulement des gens qui jettent le trouble parmi vous.
Avertissement p 109 : Il y a eu de longtemps une folle curiosité de juger par les astres de tout ce qui doit advenir aux hommes, et d’enquérir de là et prendre conseil de ce qu’on avoit à faire. Nous montrerons tantôt au plaisir de Dieu, que c’est une superstition diabolique. De fait elle a été rejetée d’un commun accord comme pernicieuse au genre humain. Aujourd’hui elle se remet au-dessus, en sorte que beaucoup de gens qui s’estiment de bon esprit, et aussi en ont eu la réputation, y sont quasi ensorcelés.
Les ruses de l'astrologie judiciaire : un glissement de la connaissance vers la spéculation
Calvin ne cesse d’y insister, ce qui peut être reconnu comme connaissance est la connoissance de l’ordre naturel et disposition que Dieu a mise aux étoiles et planètes, pour juger de leur office, propriété et vertu, et réduire le tout à sa fin et à son usage (p 110).
Mais la spéculation peut facilement s’y accrocher :Si les étoiles nous sont signes pour montrer la saison de semer ou planter, de saigner ou donner médecine, couper le bois, ce n’est pas à dire pourtant qu’elles nous soient signes pour savoir si nous devons porter une robe neuve, trafiquer en marchandise le lundi plutôt que le mardi… (Avertissement p 123).
Une hésitation de Calvin : y aurait-il des liens entre astrologie et médecine...
Calvin est très au fait du progrès des connaissances et il est très exigeant sur la rigueur d’un raisonnement. Mais cela n’exclut pas des hésitations, notamment pour ce qui touche à la santé, un thème, par ailleurs, prisé de tous temps par des « faiseurs » d’horoscopes :
C’est aussi de la vraie science d’astrologie que tirent les médecins ce qu’ils ont de jugement pour ordonner tant saignée que breuvages, pilules et autres choses en temps opportun. Ainsi Il faut bien confesser qu’il y a quelque convenance entre les étoiles et les planètes et la disposition des corps humains.
Qu’ainsi soit, l’astrologie naturelle montrera bien que les corps d’ici-bas prennent quelque influxion de la lune, parce que les huîtres se remplissent ou se vident avec icelle ; pareillement, que les os sont plein de moelle ou en sont moins selon qu’elle croît ou diminue.
De fait, au XVIe siècle, ceux qui ont fait avancer, tant les connaissances en astronomie que les connaissances médicales, se connaissent bien, travaillent ensemble, évoquent sans doute des correspondances possibles. Ambroise Paré, François Rabelais, Michel Servet (auquel on doit des travaux importants sur la circulation du sang) ont pratiqué cet éclectisme.
Le refus d'un usage prédéterministe de l'astrologie
Calvin conteste l’usage de généthliaques prédéterministes, se déclinant comme des horoscopes : les personnes nées le même jour auraient-elles la même vie ? Des jumeaux auraient-ils le même destin ?
Il souligne, malicieusement, l’arbitraire qui consiste à écrire un généthliaque au jour de la naissance plutôt qu’à celui de la conception, puisque le temps des grossesses est variable.
Il conteste la forme et le contenu prédéterministes des horoscopes, d’autant plus qu’ils sont présentés comme l’expression du jugement de Dieu : ainsi faudrait-il penser que le mouvement des planètes prédétermine, sans que des responsabilités humaines ne soient engagées, des événements historiques, l’issue de batailles, le jour et les conditions de la mort ?
De tels raisonnements n’aboutissent qu’à des visions chaotiques :
Les histoires récitent qu’en une vingtaine de batailles est mort en Espagne jusqu’à trois cent mille hommes. Sans enquérir plus avant, qui est-ce qui ne jugera aisément que ceux qui sont morts par compagnie étoient bien séparés en nativité quant au regard des astres Aussi en telle multitude, Capricorne et le Mouton et le Taureau s’entreheurtent tellement les cornes, que tout y est confus ; Aquarius jette son eau en telle abondance que c’est un déluge, la Vierge est dépucelée, l’Ecrevisse va au rebours, le Lion donne de la queue par derrière sans qu’on s’en soit aperçu, les Gémeaux se mêlent en sorte que c’est tout un, l’Archer tire en trahison, la Balance est fausse, les Poissons se cachent sous l’eau, si qu’on n’y voit plus goutte (p 116).
Mais cela n'a rien à voir avec l'Apocalypse
Ils s’aident aussi de la soutenance de notre Seigneur Jésus, disant qu’il y aura des signes du ciel pour annoncer le jour de sa venue dernière…Vrai qu’il leur est à pardonner, vu que ce n’est pas leur gibier que la sainte Écriture… Notre Seigneur Jésus ne parle point là de quelque constellation procédant du cours de la nature, mais plutôt d’une chose extraordinaire qui n’a rien de semblable, ni de commun avec (p 125-126).
Avancement dans l'exposition
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