L’essor du protestantisme
en France (1520-1562)
Les idées de Luther se répandent en France à partir de 1520. Les autorités font barrage de leur mieux. À partir de 1540, sous l’influence de Jean Calvin, une nouvelle Église se structure en rupture avec l’Église romaine.
Naissance de deux courants évangéliques
Les idées nouvelles qui traversent la France à partir de 1520 donnent naissance à deux courants :
- le courant évangélique humaniste favorable à une réforme dans le cadre de l’Église ;
- le courant évangélique dit « luthérien » influencé par la Réforme en Allemagne et dans les villes suisses conduisant à une rupture avec l’Église romaine.
Ces courants se sont souvent entrecroisés et le second rend le premier suspect aux yeux de l’Église.
L'évangélisme humaniste
Retour à l’Évangile de Jésus-Christ et retour aux textes originaux de la Bible : tel est le mot d’ordre des humanistes chrétiens. En étudiant la Bible, Erasme en vient à critiquer de nombreux rites et pratiques de l’Église romaine.
Ses idées novatrices circulent dans les milieux érudits et dans une partie du haut clergé. Elles atteignent aussi l’entourage du roi François Ier. Marguerite d’Angoulême, la sœur du roi, encourage l’évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet dans le projet de réformer son diocèse. L’évêque fait venir Lefèvre d’Étaples. Celui-ci fonde le cénacle de Meaux et traduit le Nouveau Testament en français. Il s’attire ainsi en 1527 les récriminations de la faculté de théologie de Paris, la Sorbonne. Devant la montée de l’évangélisme «luthérien», le parlement de Paris intente un procès à l’évêque de Meaux soupçonné d’hérésie luthérienne. Il fait ensuite interdire toutes les traductions de l’Écriture en français.
L'évangélisme dit « luthérien »
Dès 1520, les écrits de Luther parviennent en France où ils trouvent un terrain favorable. Guillaume Farel, membre du cénacle de Meaux, les lit et en répand l’esprit. La Sorbonne condamne ces écrits comme hérétiques et les interdit en France. Mais, traduits en français dès 1524 et imprimés à Paris, Alençon, Lyon, et surtout hors de France, ils circulent clandestinement.
Grâce à Farel, réfugié à Strasbourg puis en Suisse, les idées d’autres réformateurs : Bucer et Zwingli sont introduites en France. À partir de 1530 les chemins de « l’hérésie » partent plutôt de Suisse.
Les protestants, appelés à l’époque luthériens, appartiennent surtout à l’élite sociale sachant lire : clercs, maîtres d’école, étudiants, hommes de robe, imprimeurs et ouvriers du livre, artisans du textile et du cuir. Des couches plus larges sont gagnées grâce aux prédicateurs et aux maîtres d’école.
La persécution des protestants
La condamnation comme hérétiques des protestants commence dès 1521 à l’initiative de la Sorbonne, des autorités ecclésiastiques et du Parlement : amende, prison et, surtout pour les moines et les prêtres, prison perpétuelle et condamnation à mort sur le bûcher.
L’affaire des placards constitue un tournant. Il s’agit d’affiches apposées partout à Paris, Orléans, Blois et même sur la porte de la chambre du roi. Les placards dénoncent avec violence la conception catholique de l’eucharistie et de la messe catholique.
Ce geste provocateur coupe les ponts entre l’évangélisme humaniste et luthérien. Désormais la répression s’accentue avec l’assentiment du roi.
En 1546, à Meaux, on brûle le même jour 14 « luthériens » dont le pasteur. En deux ans, le parlement de Paris, compétent pour le centre de la France et Lyon, prononce 500 condamnations dont au moins 68 à mort.
Les martyres suscitent des retours au catholicisme, mais incitent le plus grand nombre à la clandestinité tandis que certains sont renforcés dans leurs convictions.
La fondation de l'Église protestante en France
À partir de 1540 la diffusion des idées de Calvin depuis Genève influence profondément le mouvement de réforme en France.
La première Église protestante est celle de Meaux. Ce n’est qu’à partir de 1555 que d’autres Églises sont constituées dans différentes localités, notamment à Paris, Angers, Valence. Dans certaines régions, elles sont très nombreuses notamment en Provence, en Languedoc et dans la vallée de la Garonne.
En 1559 a lieu le premier rassemblement clandestin des représentants, pasteurs et laïcs des Églises protestantes : le synode national de Paris. Le synode est l’organe de liaison entre les communautés locales. À Paris, les délégués au synode se donnent un certain nombre de règles : une confession de foi et une discipline ecclésiastique, toutes deux inspirées de Calvin. L’organisation des Églises favorise les progrès de la Réforme dans toute la France.
Ayant déjà touché l’élite sociale, la Réforme s’étend aux couches populaires notamment dans les villes, lieux de circulation des livres et des nouvelles, d’où une majorité d’artisans dans ses rangs.
Un parti protestant
À partir de 1555, la noblesse adhère massivement à la Réforme, surtout dans les provinces du Sud, en Normandie, en Brie et en Champagne. À la mort d’Henri II en 1559, une partie de la haute noblesse qui entre de droit au conseil du roi est devenue protestante, dont :
- Antoine de Bourbon et sa femme Jeanne d’Albret, les parents d’Henri IV,
- Louis de Bourbon, prince de Condé, le frère d’Antoine,
- Gaspard de Coligny.
La croissance du groupe réformé et l’adhésion d’une partie de la haute noblesse le font sortir de la clandestinité et le politisent. Les réformés aspirent à une reconnaissance légale et éventuellement à la conquête de l’État. Les nobles réformés de haut rang proches de la cour du roi croient pouvoir infléchir le jeu politique en faveur des protestants.
Les événements précurseurs des guerres de religion
Le roi Henri II est entouré de grands seigneurs catholiques ambitieux, notamment le duc François de Guise et son frère le cardinal de Lorraine. À sa mort en 1559, les Guise monopolisent le pouvoir au détriment du jeune roi François II. En 1559, ils font pendre et brûler en place de Grève Anne du Bourg, prêtre et juge au parlement de Paris. Celui-ci avait déjà été arrêté par ordre du roi Henri II parce qu’il était intervenu en séance plénière du parlement, dite mercuriale, pour demander que cessent les persécutions des protestants.
En 1560 quelques nobles protestants veulent enlever le jeune roi François II pour le soustraire à l’influence des Guise ; c’est la conjuration d’Amboise : elle échoue. Les Guise se vengent par de multiples exécutions, tandis que les protestants se soulèvent en divers lieux et s’emparent d’églises catholiques pour y célébrer leur culte.
Redoutant le pouvoir des Guise, Catherine de Médicis, veuve d’Henri II et régente de France en 1560 après la mort de François II, veut ménager les protestants car elle espère obtenir la concorde religieuse.
En 1561, elle réunit des théologiens catholiques et protestants au colloque de Poissy pour tenter une réconciliation, mais l’entente ne peut être trouvée.
Pour s’opposer à l’essor du protestantisme, le duc François de Guise, le connétable de Montmorency et le maréchal de Saint-André (triumvirat) prêtent serment à Pâques 1561 d’extirper le protestantisme et de ne jamais tolérer un autre culte que le culte catholique.
Le chancelier Michel de l’Hospital incite la régente à accorder aux protestants l’Édit de janvier 1562, leur permettant de s’assembler pour la célébration du culte dans les faubourgs des villes et à la campagne. Le culte public des réformés deviendrait légal. Mais, en fait, l’édit ne satisfait réellement ni l’une ni l’autre des parties car il intervient trop tard pour apaiser les passions et surtout le roi Charles IX n’a pas les moyens de le faire respecter.
Les guerres de religion vont commencer après le massacre de Wassy.
Bibliographie
- Livres
- CROUZET Denis, La genèse de la Réforme française 1520-1562, SEDES, Paris, 1996, p. 620
- GARRISSON Janine, Les Protestants au XVIe siècle, Fayard, Paris, 1988
- HIGMAN Francis, La diffusion de la Réforme en France, Labor et Fides, Genève, 1992
- LÉONARD Émile Guilaume, Histoire générale du protestantisme, PUF, Paris, 1964, Volume 3
Parcours associés
-
De l’arrivée des idées de Luther en France au massacre de Wassy (1520-1562)
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Notices associées
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Michel de l'Hospital (1505-1573)
Juriste catholique, il est appelé par Catherine de Médicis pour tenter d’instaurer une coexistence religieuse entre catholiques et protestants, mais il échoue. -
Ulrich Zwingli (1484-1531)
Pasteur et théologien, il fonde la Réforme sur l’étude de la Bible. Pour lui, la Réforme s’étend jusqu’à la lutte contre les injustices sociales. -
Guillaume Farel (1489-1565)
Farel est le réformateur du pays romand (Suisse de langue française) et en particulier de Neuchâtel. Il est à la fois un prédicateur, un organisateur et l’auteur d’une liturgie en... -
Martin Bucer (1491-1551)
Né en Alsace, cet humaniste a toute sa vie tenté de sauvegarder l’unité de l’Église. -
L'affaire des placards (1534)
Des tracts injurieux pour l’Église catholique sont affichés à Paris, en province et même devant la chambre du roi. Le roi déclenche la répression. -
La Conjuration d'Amboise (1560)
Le parti réformé tente de s’emparer de la personne du roi pour le soustraire à l’influence des Guise. -
Le Colloque de Poissy (1561)
Pour éviter la guerre civile entre catholiques et protestants, Catherine de Médicis réunit à Poissy des théologiens des deux partis. Mais c’est un échec. -
Le massacre de Wassy (1562)
Les protestants font partir les guerres de religion du massacre de Wassy, alors que les catholiques considèrent, comme point de départ, l’attaque d’Orléans par Louis de Condé. -
Gaspard de Coligny (1519-1572)
Gaspard de Coligny, de la puissante famille des Châtillon, se trouve très naturellement au service des rois de France. Pourtant, après avoir été capturé au siège de Saint-Quentin, il se... -
Henri IV (1553-1610)
Henri de Navarre, devenu roi de France en 1589 sous le nom d’Henri IV, met fin aux guerres de religion et restaure la paix civile et religieuse dans le royaume. -
Marguerite d'Angoulême (1492-1549)
Marguerite d’Angoulême, femme de lettres, au centre de la vie culturelle et spirituelle de son temps, encourage les idées nouvelles. -
Jeanne d'Albret (1528-1572)
Elle se convertit au protestantisme et l’impose dans son royaume de Navarre.