Le Refuge huguenot en Amérique
Nombreux sont les protestants qui, dès le XVIe siècle, participent à la conquête du Nouveau Monde, puis, au XVIIe siècle, y trouvent refuge pour échapper aux persécutions.
Dès le XVIe siècle, des huguenots pénètrent en Amérique
De nombreux protestants prennent part à des expéditions à destination du Brésil, de la Floride et de la Caroline du Sud. C’est le rêve, sous l’impulsion du pouvoir royal et à l’initiative de l’amiral de Coligny, d’une « France antarctique », colonie implantée en 1555 au Brésil sur une île en face de l’actuelle ville de Rio de Janeiro. Mais rêve de courte durée, du fait de la rivalité avec le Portugal qui l’emporte.
Au XVIIe siècle, ils sont en Acadie ou dans les colonies anglaises de la Nouvelle-Angleterre.
En 1620, ce sont des puritains anglais qui arrivent en Amérique du Nord à bord du Mayflower.
Dès 1662, de nombreux Rochelais adressent une pétition au gouverneur du Massachusetts afin de pouvoir s’installer et « vivre avec les Anglais ». L’accueil est bienveillant. On estime à 150 le nombre de familles qui s’y établissent, anglicisant rapidement leur nom.
A la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, le nombre de réfugiés en Nouvelle-Angleterre augmente, venant soit directement de France, soit après passage en Hollande ou en Angleterre. Tous ces huguenots font preuve d’une grande faculté d’adaptation et de fidélité à leur nouvelle patrie. Certains se distinguent et jouent un rôle dans les destinées de l’Amérique.
La Nouvelle-Angleterre comme Refuge
Les colonies anglaises (Nouvelle-Angleterre) servent de refuge aux dissidents religieux européens.
Une solidarité indéniable lie les huguenots à la Nouvelle-Angleterre. À la fin du XVIIe siècle, les réformés français, soit viennent directement de France, soit transitent par les Pays-Bas ou l’Angleterre, soit encore passent de Nouvelle-France vers les colonies anglaises. Les familles arrivent généralement accompagnées de leur pasteur.
La Nouvelle-Amsterdam ou Nouvelle-York et les huguenots
Dès le début du XVIIe siècle, les Hollandais prennent la route du Nouveau-Monde et fondent la Compagnie des Indes Occidentales.
La Nouvelle-Amsterdam a capitulé une première fois devant la flotte anglaise en 1663. Malgré un retour offensif des Hollandais dix ans plus tard, dès cette date, l’émigration des Pays-Bas vers le Nouveau -Monde est presque complètement arrêtée. La Nouvelle-Amsterdam est rebaptisée New York par les Anglais.
Les huguenots quant à eux, arrivés nombreux dans la seconde moitié du XVIIe siècle constituent un élément important de la population de la ville. Parmi eux, les rochelais sont les plus nombreux.
L'Église réformée française de New York
Le pasteur Pierre Daillé de Saumur peut être considéré comme le véritable fondateur de l’Église protestante française de New York. Il fait construire le premier temple français en 1686.
Pierre Daillé a été professeur dans la fameuse Académie de Saumur, puis s’est réfugié en Hollande, et de là, en Amérique (1683). L’assimilation semble facile et complète. Daillé prête serment de fidélité au roi d’Angleterre. Les huguenots semblent toutefois avoir le souci constant de conserver une Église française et de conserver leur langue. Très loyaux à la couronne d’Angleterre, les réfugiés français refusent les rites de l’Église anglicane. Ils font des efforts constants pour conserver une organisation ecclésiastique indépendante.
Mais, cela devient de plus en plus difficile. L’Église française est obligée de fermer ses portes de 1776 à 1796. Pendant ce temps, la plupart des membres de l’Église française entrent dans la communion anglicane.
En 1804, l’Église française est consacrée par l’évêque épiscopalien de New York, sous le nom de « The French Church du Saint Esprit » (elle est située sur la 60e rue).
On ne peut parler de « colonie » car les huguenots arrivent par petits groupes, obligés de se faire naturaliser Anglais. Ils se dispersent donc rapidement.
L’Église huguenote a cessé d’exister. Mais la tradition s’est maintenue du culte en français et elle persiste aujourd’hui.
Dans leur ensemble, les émigrés sont d’origine plutôt modeste, mais il y a aussi de grands bourgeois qui réussissent à sauver une partie de leur fortune, tels Gabriel Bemon, Pierre Baudoin ou les frères Faneuil qui appartiennent à une des premières familles de La Rochelle et sont mentionnés dès 1691, parmi les Français admis dans la colonie de Boston.
New Rochelle
Sur la route qui relie New York à Boston, vraisemblablement en 1688, la ville de New Rochelle est fondée par des huguenots dans le souvenir de la ville d’où sont partis tant de réfugiés.
Progressivement, les habitants adoptent l’anglais et le rite anglican. Mais ils conservent une Église française, appelée Église de la Trinité. Cette Église reçoit de Georges III une charte datée de 1762.
Les huguenots jouent un rôle important dans la création d’écoles et se distinguent par l’importance qu’ils accordent à l’éducation des filles.
Au cours du XVIIIe siècle, New Rochelle conserve sa réputation de centre d’éducation et de bonnes manières.
De nombreux huguenots en Virginie et en Floride
Toutes les colonies anglaises de la côte atlantique, du Maine à la Floride, voient arriver au XVIIe et dans les premières années du XVIIIe siècle des huguenots français.
Comme tous les réfugiés, ils sont d’une loyauté exemplaire à l’égard de l’Angleterre.
Parmi leurs lieux de refuge, citons la ville de Manakin, non loin de Richmond sur la James River, qui conserve son nom d’origine indienne, où un groupe de 700 huguenots s’établissent.
Un autre lieu de refuge est Charleston en Caroline du Sud où le bateau le « Richemond » débarque une cinquantaine de familles en 1685. Le voyage est financé par la couronne d’Angleterre, afin que les huguenots s’installent dans cette zone pour y développer la culture de la vigne, du mûrier et de l’olivier. Ils créent des fermes modèles, procèdent au défrichement et développent l’agriculture.
Rôle et influence des familles d'origine huguenote sur la civilisation américaine
Les huguenots manifestent une grande faculté d’adaptation, ils s’assimilent à leur nouvelle patrie. Les noms s’anglicisent.
La ville de New York compte beaucoup de ressortissants huguenots.
Citons à titre d’exemple : Pierre Minuit qui achète, selon la légende, l’île de Manhattan pour 24 dollars ; Isaac Bethlo – Français de Picardie, arrivé à New Amsterdam en 1652 – et qui donne son nom à l’île sur laquelle se trouve la statue de la Liberté.
Staten Island a parfois été appelée « Huguenot Island » à cause du grand nombre de réfugiés français qui s’y trouvaient.
À Boston, le « Faneuil Hall » un des bâtiments les plus anciens de la ville est donné à la ville par la famille Faneuil, originaire de La Rochelle, pour servir de marché public.
Certains descendants des réfugiés huguenots jouent un rôle important dans les destinées de l’Amérique et le développement de sa civilisation.
Des hommes d’État comme John Jay, Henry Laurens, Élias Boudinot, exercent à l’époque de la Révolution américaine une action décisive. Deux des cinq signataires du traité de paix qui consacre l’indépendance des États-Unis sont descendants de réfugiés (John Jay et Henry Laurens).
Bibliographie
- Livres
- BEDARD Marc-André, Les protestants en Nouvelle-France, collection « Cahiers d'histoire », La Société historique de Québec, Québec, 1978, p. 141
- BIRNSTIEL Eckart (textes réunis par), La Diaspora des Huguenots. Les Réfugiés protestants de France et leur dispersion dans le monde (XVIe-XVIIIe siècles), Champion, Paris, 2001
- CHINARD Gilbert, Les réfugiés huguenots en Amérique, Les Belles Lettres, Paris, 1925
- LARIN Robert, Brève histoire des protestants en Nouvelle-France et au Québec, XVIe-XIXe siècle, Éditions de la Paix, Québec, 1998
- LESTRINGANT Frank, Le Huguenot et le sauvage : l’Amérique et la controverse coloniale en France au temps des guerres de religion, Droz, Genève, 2004
- MATHIEU Jacques, La Nouvelle-France : les Français en Amérique du Nord, XVIe-XVIIIe siècle, Belin, Paris, 1991
- TRUDEL Marcel, Initiation à la Nouvelle-France, Holt, Rinehart et Winston Limitée, Montréal-Toronto, 1968, p. 323
- Articles
- POULAIN André, « Les protestants français et la fondation du Canada », Voix du protestantisme français au Canada, Vie chrétienne, 1971, Numéro 11, p. 100,123
- POULAIN Hélène, « La place des huguenots dans l’établissement de la Nouvelle-France », Voix du protestantisme français au Canada, Vie chrétienne, octobre-novembre 1985, p. 37-52
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