Le règne de Jacques Ier (1603-1625)
À la mort d’Élisabeth Ière, Jacques VI Stuart d’Écosse est l’héritier du trône d’Angleterre, sur lequel il monte en prenant le nom de Jacques Ier, réalisant ainsi l’union personnelle entre l’Angleterre et l’Écosse. Élevé dans le calvinisme écossais, il suscite l’espoir des calvinistes anglais qui veulent instaurer un régime presbytérien. Mais ils sont vite déçus car Jacques Ier se convertit à l’anglicanisme. Sa suprématie dans le domaine religieux renforce son désir de monarchie absolue. Il laisse cependant une certaine liberté aux prêtres pour mener leur congrégation et utiliser la liturgie du Prayer Book. Ceux qui délaissent le signe de croix ou l’agenouillement ne sont pas inquiétés. Et l’Église d’Angleterre jouit d’un large consensus dans les années 20.
Cependant, une minorité de calvinistes refuse l’Église d’Angleterre. Ils sont persécutés et certains émigrent aux Pays-Bas ou en Amérique (les pèlerins du Mayflower en 1620).
Pour supplanter la Bible de Genève, trop calviniste à ses yeux, Jacques Ier fait réaliser une nouvelle traduction, œuvre de 47 érudits, la « King James », version qui sera en usage jusqu’au XXe siècle et qui sera très présente dans toute la littérature anglaise. Si les autres traductions sont tolérées en privé, cette nouvelle version est la seule autorisée pour la lecture à l’église.
Le règne de Charles Ier (1625-1649)
Son fils, Charles Ier, partisan du pouvoir absolu, essaye d’imposer son autorité sur le Parlement et du coup se trouve en conflit avec lui. Il nomme Laud archevêque de Canterbury et avec son aide cherche à réglementer plus étroitement le culte dans l’Église d’Angleterre. Il oblige les ecclésiastiques à se conformer à la lettre du Prayer Book et à porter des ornements sacerdotaux. Il prescrit aux fidèles l’agenouillement pour la communion, le signe de croix, etc. Il fait décorer les églises d’images saintes. De nombreux Anglais ont l’impression que Laud veut ramener le catholicisme romain. Les calvinistes qui avaient trouvé un modus vivendi sous Jacques Ier se révoltent et quittent l’Église d’Angleterre.
En Écosse, Charles Ier impose aux presbytériens écossais les rites de l’anglicanisme, en particulier le Scottish Book of Common Prayer. Devant la rébellion du clergé et des fidèles, le roi s’obstine. Son attitude déclenche une révolte armée. Pour contrer cette révolte, le roi est obligé de réunir le Parlement qui ne l’avait pas été depuis onze ans. La Chambre des Communes est dominée par les opposants au pouvoir royal. Le conflit avec le Parlement entraîne la guerre civile.
La guerre civile (1642-1649)
La guerre civile est d’abord un conflit de pouvoir entre le roi et le Parlement. Il se double d’un conflit religieux puisque s’allient au Parlement les presbytériens d’Écosse et les mécontents de la politique de Laud. Le premier acte du Parlement est la destitution de Laud, son emprisonnement puis son exécution en 1643.
Devant la rébellion du Parlement et de la population de Londres, le roi quitte Londres, se retire à Nottingham et y lève une armée. La guerre civile (1642-1649) oppose les partisans du roi ou « Cavaliers » (anglicans, haute noblesse, paysans) aux partisans du Parlement ou « Têtes rondes » (calvinistes, bourgeoisie urbaine, petite noblesse). Bientôt se distingue Olivier Cromwell, gentilhomme campagnard, qui avait levé à ses frais une troupe de cavalerie, organisée selon des principes démocratiques avec des officiers élus. Nommé par le Parlement Lieutenant général de cavalerie, il est chargé de réorganiser l’armée qui devient « the new model army ». Les officiers dirigeaient souvent les prières ou même prêchaient.
Cette armée, conduite par Cromwell, inflige en 1645 une grave défaite aux armées royales. Charles Ier se réfugie en Écosse, mais est livré par les Écossais au Parlement en 1647. Celui-ci voulait réduire le pouvoir royal, mais ne voulait pas abolir la monarchie. Mais l’armée prend le pouvoir et une tentative de fuite de Charles Ier fournit un prétexte à Cromwell pour écraser le Parlement. Le nouveau Parlement, réduit aux seuls puritains extrémistes, condamne à mort le roi qui est décapité en 1649.
Olivier Cromwell
En 1649 l’Angleterre devient une République, bien que les partisans d’une République soient en minorité. Olivier Cromwell est nommé lord-protecteur en 1653 et son pouvoir devient de plus en plus absolu.
Le Parlement avait déjà aboli l’épiscopat et le Prayer Book dès le début de la guerre civile et avait favorisé un système presbytérien qui ne fut guère appliqué qu’à Londres et dans le Lancashire. Olivier Cromwell n’était pas presbytérien mais «< >indépendant< >» c’est-à-dire « congrégationaliste ». Il favorise la création de communautés «< >indépendantes< >» mais pratique une certaine tolérance religieuse, sauf vis-à-vis des catholiques. Lors de la révolte d’Irlande, les catholiques sont massacrés. Cette période est appelée « le règne des saints », c’est-à-dire des puritains. Elle voit la création de nombreuses communautés religieuses. Son chantre est le grand poète anglais John Milton.
Les puritains
Le nom de « puritains » est donné vers 1560 par leurs adversaires à un certain groupe de protestants, se rattachant au calvinisme, qui désirent aller plus loin dans la Réforme de l’Église. Ceux-ci provoquent une dispute au sujet des vêtements sacerdotaux, car ils désirent purifier l’Église de tous ses ornements. Ils veulent une liturgie plus simple et s’opposent à l’application stricte du Prayer Book. Mais surtout ils refusent le système épiscopal et veulent instituer un régime presbytérien, ce qui déclenche une vive répression de la part d’Élisabeth Ière.
Au début du XVIIe siècle, ces puritains accueillent favorablement l’avènement de Jacques Ier. Devant son adhésion à l’anglicanisme, quelques-uns commencent à émigrer en Amérique mais la majorité reste au sein de l’Église d’Angleterre où ils sont tolérés. Sous Charles Ier, l’opposition se durcit et lors de la guerre civile, les puritains triomphent et prennent le pouvoir sous le Protectorat de Cromwell. Mais ceux qu’on appelle les puritains et que l’on raille pour leur austérité, leur morale intransigeante et leur strict respect du dimanche ne forment pas un groupe uni. On peut y repérer plusieurs tendances.
Les presbytériens forment le groupe majoritaire. Ce sont des calvinistes qui veulent la liberté, pour des ministres ordonnés, de prêcher l’Évangile. Ils cherchent à instaurer un régime presbytérien.
Les indépendants ou congrégationalistes, dont fait partie Olivier Cromwell, se rattachent à la théologie calviniste mais veulent une autonomie des paroisses. Sous Cromwell, certaines paroisses deviennent indépendantistes et d’autres se créent en dehors des paroisses existantes. Elles sont dirigées par des ministres ordonnés.
Les baptistes pratiquent le baptême d’adultes pour signifier l’entrée dans l’Église des « saints ». Ils sont influencés par les mennonites hollandais, héritiers des anabaptistes. Certains restent attachés au calvinisme mais d’autres refusent la prédestination. La discipline morale est stricte.
Les communautés millénaristes se développent à la faveur de la crise politique et religieuse. À partir du livre biblique de Daniel et de l’Apocalypse, certains attendent un règne de mille ans du Christ et l’année 1666 cristallise ces attentes (car 666 est le chiffre de la bête dans l’Apocalypse). Certaines communautés remettent en cause l’ordre social et politique pour fonder la nouvelle Jérusalem. Ne voyant pas venir le millénium, ces mouvements assez disparates se dissolvent peu à peu. Ils sont souvent dirigés par des laïcs « inspirés ».
Les Quakers ou trembleurs se rattachent à ces groupes d’inspirés. Pour eux, la lumière intérieure est plus importante que l’Écriture et est accessible à tous. George Fox, le fondateur est un laïc inspiré. Il rejette tout culte, toute hiérarchie, proclame la fraternité et l’égalité entre les hommes. La « Société des amis » est fondée en 1668 : les participants aux réunions expriment l’illumination intérieure par des discours improvisés, par des gestes et manifestations d’enthousiasme, par des tremblements (quakers = trembleurs). George Fox a une tactique très provocatrice et insolente vis-à-vis du clergé et des magistrats, ce qui lui attire de nombreux ennuis. Il est emprisonné à plusieurs reprises. Son charisme et son sens de l’organisation vont permettre au mouvement de se maintenir malgré les persécutions pendant le règne de Charles II. Le mouvement prône alors le pacifisme et s’oriente vers la mystique et la recherche du Royaume au dedans de soi. En 1682, le quaker William Penn, fils d’un amiral, ayant étudié en France auprès de Moïse Amyraut, fonde la colonie de Pennsylvanie en Amérique du Nord.
Refusant le service militaire et la prestation de serment aux autorités, les quakers eurent de nombreuses difficultés, mais leur esprit de tolérance, leurs œuvres sociales et éducatives en firent les pionniers des luttes ultérieures, aussi bien contre l’esclavagisme que pour les droits de l’homme.
La restauration : les règnes de Charles II (1660-1685) et de Jacques II (1685-1688)
À la mort de Cromwell, en 1658, son fils Richard, qu’il avait nommé comme successeur, entre en conflit avec l’armée et abdique. Lassés de la dictature militaire, les Anglais font appel au fils de Charles Ier, qui, après avoir promis une amnistie générale et la liberté de conscience, devient roi en 1660 sous le nom de Charles II.
Charles II restaure l’Église d’Angleterre et l’épiscopat. Des tentatives pour assouplir la liturgie du Prayer book dans un sens presbytérien échouent et, parmi le clergé, 20% des ministres quittent leurs paroisses. Les puritains (ou dissidents) sont persécutés : interdiction des réunions, exclusion des charges municipales, emprisonnement. On dénombre 8 000 personnes emprisonnées pour motif religieux, dont de nombreux quakers et baptistes. Le plus célèbre est John Bunyan qui écrit en prison son fameux livre, The Pilgrim’s progress, qui sera le livre le plus traduit après la Bible.
Le frère de Charles II, Jacques II (1685-1688), converti au catholicisme, devient roi en prêtant serment de défendre l’Église d’Angleterre. Mais il s’entoure de jésuites et unit contre lui les anglicans et les dissidents. À la naissance de son fils, ses adversaires font appel à Guillaume III d’Orange, stathouder de Hollande, petit-fils de Charles Ier et époux de Marie, la fille aînée de Jacques II. Guillaume est reconnu comme régent du royaume puis devient roi en 1689. Il partage alors le trône, sous le nom de Guillaume III, avec son épouse Marie, sous le nom de Marie II, jusqu’à la mort de celle-ci en 1694. Il règne ensuite seul jusqu’à sa mort en 1702.
Guillaume et Marie (1688- 1702) : la Glorieuse Révolution
L’accession au trône d’Angleterre du calviniste Guillaume et de son épouse Marie s’est faite sans verser une goutte de sang. C’est pourquoi les Anglais ont donné à cette période le nom de « Glorieuse Révolution ». Le nouveau souverain fait entrer l’Angleterre et les Provinces-Unies dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg contre Louis XIV, ce qui suscite des espoirs, vite déçus, du côté des protestants persécutés en France.
Du point de vue religieux, l’heure est à l’apaisement mais 400 clercs et 6 évêques, par loyalisme envers Jacques II et les Stuart, refusent le serment d’allégeance envers Guillaume et sont évincés de l’Église d’Angleterre. En revanche, le calviniste Guillaume essaye de réintégrer les pasteurs presbytériens au sein de l’Église d’Angleterre mais ce projet échoue. L’acte le plus important de ce règne est l‘Acte de Tolérance du 24 mai 1689 qui lève les sanctions contre les « non-conformistes » – c’est-à-dire les protestants qui ne font pas partie de l’Église d’Angleterre, à condition qu’ils prêtent le serment d’allégeance – et qui autorise des lieux de culte non-conformistes. C’est une ère de relative tolérance pour les minorités religieuses, tolérance qui n’inclut pas encore les catholiques.
Le rationalisme et les idées de tolérance gagnent progressivement les esprits. C’est pourquoi un nouveau mouvement se dessine au sein de l’Église d’Angleterre visant à faire taire les querelles théologiques. Il met l’accent sur la réforme des mœurs et la piété plutôt que sur les dogmes et les formes de gouvernement ecclésiastique. On le surnomme « Low Church ». Par leur exemple et leur ferveur, les pasteurs de cette tendance donnent une nouvelle impulsion à l’Église d’Angleterre.
Les enfants de Guillaume et Marie n’ayant pas survécu, le roi fait voter par le Parlement l’Acte de succession de 1701 qui exclut du trône d’Angleterre tout monarque catholique et assure la succession à la protestante Anne, sœur de Marie, puis à la maison de Hanovre.