L’astrologie judiciaire,
une tradition très ancienne
L’astrologie judiciaire (jugement de Dieu annoncé par les astres), telle qu’elle se pratique au XVIe siècle, s’inscrit dans des traditions très anciennes, lesquelles d’ailleurs n’ont cessé de susciter émerveillements et controverses.
Quand le ciel parle du monde et du devenir de ses habitants...
Les prophéties « induites » du mouvement des astres s’inscrivent dans une tradition très ancienne, coextensive sans doute à toute vie en société. Elles sont signalées chez les Chaldéens, les Égyptiens, les Mésopotamiens, ainsi que dans les sociétés traditionnelles, comme sont signalés aussi les débats qu’elles ont suscités, menés notamment par les grandes figures et prophètes d’Israël – Joseph, Isaïe, Jérémie, Daniel, etc. Ce fait s’est articulé sur de multiples observations tant diurnes que nocturnes de la voûte céleste : les changements de position du soleil et de la lune, les variations de luminosité des planètes, les mouvements de celles-ci par rapport aux constellations, le passage de comètes, l’apparition de nouvelles étoiles, etc, sont autant d’éléments fascinants à partir desquels ont été tracées des cartes célestes dont les diverses composantes ont reçu des noms. Ces données ont permis de proposer des repères temporels, lesquels ont de multiples incidences sur l’organisation de la vie quotidienne : le jour, la nuit, le temps de semer, le temps de récolter, les risques d’ordre météorologique et d’autres formes d’apprivoisement de l’environnement naturel, liées à son observation.
L'observation du ciel suscite beaucoup de questions intrigantes et difficiles à résoudre
Les premiers astronomes, en observant le ciel ont constaté des régularités, des points fixes, des repères temporels, mais aussi des mouvements et des discontinuités. C’était là source de nombreuses interrogations, à propos desquelles ils ont émis des conjectures astrologiques. Les récits mythologiques donnent un riche aperçu des inquiétudes que ces conjectures traduisent : catastrophes naturelles, épidémies, destinées tragiques, fatalités, prédéterminations, et autres jugements sévères auxquels les hommes ne semblent pas pouvoir échapper.
Après Ptolémée, avec l’astronomie développée au sein de l’Islam (ce que Calvin n’a pas manqué de remarquer), les connaissances ne cessent de s’enrichir.
Au début de la Renaissance – dans un temps où, grâce à la Lunette de Galilée, des observations particulièrement subtiles et déterminantes accélèrent une approche mathématique qui permet entre autres de calculer des orbites – l’astronomie ne peut plus vraiment permettre de cautionner les fatalités contingentes qui ont fait le succès de l’astrologie. Mais les philosophes qui l’ont compris et qui en tirent certaines conséquences, Marsile Ficin, Savonarole et un peu plus tard Giordano Bruno, se font violemment condamner par l’Église.
L’ambiguïté n’est donc pas encore vraiment levée : les grands astronomes qu’ont été Nicolas Copernic, Tycho Brahé, Galileo Galilei (1564-1642) et à la fin du XVIe siècle, Johannes Kepler (1571-1630), s‘ils veulent poursuivre leurs travaux dans de bonnes conditions, se présentent encore (notamment à leurs protecteurs) comme des astrologues (prenant prétexte d’établir des calendriers qui fixent les fêtes religieuses de manière fiable).
L’ambiguïté disparaît complètement au temps de Newton (1642-1727). Si l’astrologie judiciaire perdure et si les faiseurs d’horoscope restent prospères, elle n’est plus qu’affaire privée et ne peut se flatter d’aucune caution venue des progrès de l’astronomie.
La bataille de l'astrologie au XVIe siècle : un relai des mouvements réformateurs
Au XVIe siècle circulent, abondamment et dans tous les milieux sociaux, des almanachs, horoscopes, généthliaques (textes de circonstance écrits à la naissance d’un enfant).La diffusion de cette littérature est rendue de plus en plus facile du fait du développement de l’imprimerie.
Certains de ces libelles, recueils ou poèmes ont été des soutiens plus ou moins avoués des nouveaux courants évangéliques, des points de ralliements et de reconnaissance : au lieu d’énoncer des prédictions hasardeuses, ils insistent sur l’espérance évangélique.
On sait que François Rabelais a rédigé beaucoup d’almanachs dans ce propos :
Au liseur benivole Salut et Paix en Iesus le Christ. Considérant infiniz abus estre à cause d’un tas de Prognostications de Louvain faictes à l’onbre d’un verre de vin, ie vous en ay presentement calculé une la plus sceure & véritable que feut oncques veue, comme l’experience vous le demonstrera. (l’almanach de 1533, édité après l’affaire des Placards)
Clément Marot a, lui, rédigé beaucoup de généthliaques :
Vien hardiment, & ne crains que SaturneEn biens mondains te puisse être importune,Car tu naîtra, non ainsi povre & minceComme my (las !) mais enfant d’un grand PrinceMais tu auras (que Dieu ce bien te face)Le vray moyen qui tout ennui efface,Ce vray moyen plein de joye féconde,Par Jesus-Christ vainqueur et triomphantDe cette mort. Vien donc petit enfant (Églogue sur la naissance du fils de Monseigneur le Dauphin, 1544)
D’autres écrits ont mis les prédictions astrologiques au service de l’Église romaine. Prenant appui sur un événement spectaculaire – la mort d’Henri II par exemple – ils l’expliquent comme un jugement de Dieu annoncé par les astres. Et ils s’en inspirent pour prédire d’autres catastrophes menaçantes, si d’aventure les courants évangéliques et les écrits de Calvin avaient des disciples. Les écrits prophétiques, au demeurant assez mystérieux, de Nostradamus ont été largement exploités dans ce sens.
C’est dans ce contexte que Calvin intervient avec toute son énergie et son implacable ironie dans son Traité ou avertissement contre l’astrologie qu’on appelle judiciaire et autres curiosités qui règnent aujourd’hui au monde.
Avancement dans l'exposition
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