L’Alsace de 1945 à nos jours
La Libération (novembre 1944 – mars 1945) rétablit la légalité républicaine française, tout en confirmant les spécificités alsaciennes : régime concordataire des cultes, statuts scolaires, droits des associations.
Libération et épuration
L’épuration, encouragée par les Alsaciens de retour, va poser de difficiles problèmes, et tourne souvent à des règlements de compte, parfois entre catholiques et protestants, les premiers accusant les seconds d’avoir été collaborateurs. Certains Alsaciens sont arrêtés et interdits de séjour (comme C. Maurer), d’autres condamnés à l’indignité nationale (amnistiés en 1953 et 1955), d’autres à la révocation des emplois publics. Les « Malgré Nous », qui reviennent des deux fronts, sont humiliés. On assiste à la réouverture des camps, où sont internés plus de 6 000 personnes entre novembre 1944 et juillet 1945.
Heureusement, l’action de préfets efficaces et habiles, connaissant l’Alsace pour la plupart, évitent les erreurs d’après 1918. Ils stimulent la reconstruction et la reprise économique . Des écoles maternelles sont créées pour assurer l’apprentissage du français.
La situation politique
Au plan politique, l’opinion se partage, avec d’inévitables variations selon les années, entre trois tendances :
Les catholiques se rallient au nouveau parti, le Mouvement Républicain Populaire, dominé par la forte personnalité de P. Pfimlin (maire de Strasbourg, député de1945 à 1967, plusieurs fois ministre, avant-dernier Président du Conseil de la IVe République avant le retour du Général de Gaulle en 1958). Après 1965, le MRP s’est ouvert aux protestants.
Les protestants « libéraux » seront un des bastions du gaullisme, comme en témoignent les pourcentages de votes gaullistes constamment supérieurs à ceux des autres régions françaises. Ils sont souvent associés à des catholiques « nationaux ».
Le parti socialiste accroît son audience, avec des personnalités protestantes comme Catherine Trautmann.
Schématiquement, on peut dire que l’Alsace reste aux deux-tiers à droite. Si elle n’a plus de parti régionaliste, elle s’affirme d’abord alsacienne. Devant l’importance de l’immigration, elle se tourne progressivement vers l’extrême-droite, l’élection présidentielle de 1995 donnant au premier tour 25,4% à Le Pen (contre 15,5% au niveau national).
La vie religieuse
Au plan religieux, jusqu’à la fin de ce XXe siècle si tragique, on peut noter un lent déclin de la pratique religieuse. A la Libération, le nombre de pasteurs est insuffisant. Les postes ne seront assurés en totalité qu’à partir de 1960 ; le recrutement se fait surtout dans les classes populaires. On observe une féminisation du corps pastoral. En 1963, les trois-quart des cultes se font encore en allemand, proportion qui ira en diminuant. La Faculté de Théologie protestante de Strasbourg est active, publie la « Revue d’histoire et de philosophie religieuse » et on peut noter les fortes personnalités de François Wendel , Roger Mehl, Oscar Cullmann. A partir de 1968, de jeunes pasteurs s’engagent plus activement dans une réflexion politique, ce qui ne manque pas de susciter d’intenses débats.
Le nombre de protestants diminue : 322 000 en 1910, 251 000 en 1962, 228 000 en 1991 (B.Vogler). Ils gardent de fortes positions dans le monde universitaire et industriel, mais dans l’ensemble leur pouvoir local diminue, comme en témoigne la baisse de notoriété de la Société industrielle de Mulhouse.
La liturgie de langue française paraît à certains comme abstraite et plus difficile que l’allemande riche en cantiques. Un décret de 1974 organise pour toutes les confessions l’enseignement religieux dans les écoles : une à deux heures de cours par semaine, favorisant l’interconfessionnalité. Si le scoutisme diminue, on observe le nombre accru de rencontres dominées par l’engagement personnel, la vie communautaire, les moments de retraites, le tiers-mondisme.
L’œcuménisme apparaît comme une exigence essentielle, entre luthériens et réformés, entre protestants et catholiques. En 1956 une commission luthéro-réformée est créée, et cet œcuménisme s’affirme au plan européen lors de la réunion de Leuenberg. Le concile de Vatican II a eu un impact considérable, amplifié par l’action de Mgr Elchinger, évêque de Strasbourg qui est le président du Comité mixte national des Églises protestantes et catholiques .
L'Alsace, carrefour de l'Europe
L’Alsace va surtout jouer la carte de l’Europe. Strasbourg est le siège du Conseil de l’Europe, et accueille de nombreuses organisations européennes, dont le Parlement Européen. La coopération transfrontalière avec l’Allemagne s’accélère progressivement.
L’Alsace de 1945 à nos jours
Alsace
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