Conrad Kürsner, qui prendra plus tard le nom latin de Pellicanus, naît à Rouffach en Alsace en 1478 dans une famille de condition modeste. Son oncle maternel Jodocus Gallus est directeur de l’un des collèges de l’Université de Heidelberg. Quand le jeune Conrad a 13 ans, Jodocus l’invite à vivre chez lui à Heidelberg afin qu’il puisse bénéficier d’une meilleure éducation. De retour à Rouffach, il rejoint l’ordre franciscain à l’âge de 16 ans. Il étudie ensuite à Tübingen, puis il enseigne la théologie au couvent de Rouffach ainsi que dans d’autres monastères de l’ordre.
Au début des années 1520, supérieur du couvent franciscain de Bâle, Pellican est favorable aux idées de Martin Luther. Il participe même à la préparation des œuvres du réformateur pour leur publication par des éditeurs bâlois.
En 1526, Pellican répond favorablement à l’appel d’Ulrich Zwingli d’accepter un poste de professeur d’hébreu à Zurich, ville récemment passée à la Réforme. À Zurich, ayant quitté la vie monastique et l’Église de Rome, Pellican se marie et a trois enfants. Il y enseigne l’hébreu et l’Ancien Testament jusqu’à sa mort en 1556, à l’âge de 78 ans. Nous sommes particulièrement bien renseignés sur la vie de Pellican grâce à sa Chronique, un long texte autobiographique rédigé pour son fils.
Dans ce texte, Pellican raconte les débuts de son apprentissage de l’hébreu : « Dès mon enfance étant encore à l’école primaire, j’avais la passion et le désir de connaître la langue hébraïque. Car ayant onze ans ou même moins, j’ai entendu de la part d’autres enfants comment un docteur théologien qui se disputait avec un juif au sujet de la foi chrétienne était désarçonné par les réponses – non seulement celles du juif, mais aussi celles d’une femme juive. »
En 1499, à l’âge de 21 ans, Pellican rencontre un prêtre anciennement converti du judaïsme. Celui-ci propose de lui offrir une Bible hébraïque qui appartenait à son père. Pellican écrit : « Jusqu’à ce jour, rien de plus heureux ne m’était arrivé que de voir ce grand volume hébraïque qui m’était apporté. » Ensuite, il décrit comment il déchiffrait les premiers versets, lettre par lettre et mot par mot à l’aide de la Vulgate et d’une ancienne introduction à la langue hébraïque qu’il avait pu trouver. Au fur et mesure de ses lectures de la Bible hébraïque, Pellican rédige un petit lexique et une grammaire rudimentaire. Cet ouvrage paraît à Strasbourg en 1504 : il s’agit du premier outil pour l’apprentissage de l’hébreu publié à destination d’un lectorat chrétien.
Durant sa longue carrière, Pellican publiera encore des éditions du texte hébraïque des Psaumes et des Proverbes, ainsi que des commentaires de tous les livres bibliques, à la fois ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Publié pour la première fois en 1504 à Strasbourg, cet ouvrage de Conrad Pellican est le premier outil pour l’apprentissage de l’hébreu paru en latin pour un lectorat chrétien (deux ans avant la publication de l’ouvrage fondateur de Johannes Reuchlin, De Rudimentis hebraicis). Il s’agit d’un ouvrage modeste de 40 pages comprenant la présentation de quelques points de grammaire hébraïque (sous la forme d’un dialogue entre un élève et un professeur), quelques passages du livre d’Isaïe ainsi que le Psaume 110 en hébreu, et un lexique hébreu-latin-grec de mots courants de la Bible hébraïque.
Cette introduction à l’hébreu est incluse dans l’ouvrage de Georg Reich, Margarita phylosophica, un ouvrage encyclopédique présentant l’ensemble des savoirs : l’astronomie, la grammaire, la musique, la rhétorique, etc. Pendant longtemps, cet ouvrage a servi de manuel pour l’enseignement supérieur.
Dans sa Chronique, Pellican livre quelques informations concernant la préparation de sa méthode, faite au cours de ses propres lectures de la Bible hébraïque : « J’ai continué à noter les caractères des noms et des verbes et, en même temps, à ajouter le sens en latin, jusqu’à ce que je termine le premier et le deuxième chapitre (du livre d’Isaïe). Voyant que cette étude pourrait être poursuivie, j’ai commencé à comparer d’autres chapitres d’Isaïe avec la traduction de Jérôme. (…) Aussitôt, j’ai lu toute la Bible depuis le début et j’ai préparé pour moi un dictionnaire hébraïque. (…) Durant la même année 1501, j’ai réalisé une grammaire hébraïque. (…) Le très docte chartreux de Fribourg, Gregor Reich, auteur de la Margarita philosophica, envoya un savant étudiant, Martin Obermüller, (…) pour apprendre l’hébreu auprès de moi (…). C’est à cette occasion que j’ai réalisé ma grammaire. Or, je ne l’ai donnée à personne d’autre, car j’avais des doutes par rapport à beaucoup de choses, pour lesquelles je n’avais pu trouver aucune solution. »
Durant sa longue carrière d’enseignant d’hébreu à Zurich, Conrad Pellican commente tous les livres bibliques : à la fois ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament, et même les livres deutérocanoniques (extérieurs au canon juif et protestant). Le titre du volume de son commentaire dédié aux deutérocanoniques atteste que Pellican s’oppose au rejet total de ces écrits.