Cimetière protestant de Nîmes
Le cimetière de Nîmes est le plus important des cimetières privés.
Le temps de la répression
Nîmes connaît la Réforme dès 1553, son Église Réformée est une des plus anciennes de France. Aussi face à l’interdiction de l’enterrement des protestants dans les cimetières communs, donc catholiques, généralisée en Languedoc dès 1561 par son Gouverneur, Henry de Montmorency, elle prend en charge l’enterrement des membres de sa paroisse en trouvant les terrains adéquats. De 1669 à la Révolution, les enterrements des protestants ont lieu à l’aube et à la nuit tombante (6 h le matin et le soir d’avril à septembre, 8 heures et 16 heures d’octobre à mars).
Les cimetières de la Couronne, de la Bouquerie, de la Madeleine sont officiellement utilisés par les protestants de Nîmes jusqu’en 1688. Puis vint le temps de la clandestinité, de l’Église du Désert (appelée par référence à l’errance et aux épreuves des Hébreux après la sortie d’Égypte), où les responsables de la communauté protestante, le « consistoire de l’ombre », s’occupe de trouver des lieux pour éviter que les corps des plus déshérités soient jetés à la voirie. Les caves deviennent les sépultures des propriétaires urbains et dans les propriétés rurales, un champ est consacré à l’ensevelissement, d’où la multitude de petits cimetières privés en Cévennes, dans le Languedoc et en terres protestantes en général.
En 1776, les Lettres Patentes du Roi imposent le transfert des cimetières hors les agglomérations. Le consistoire de l’ombre utilisera cette ouverture pour acheter par personne interposée, courant 1778, une parcelle de terre destinée à pourvoir à l’enterrement des pauvres de la paroisse de Nîmes. Le Maître Jardinier Maruejols, membre de l’Église locale, puis son fils, seront officiellement propriétaires de ce terrain jusqu’en 1849. C’est le 22 juillet 1782 qu’a lieu la première inhumation.
La réintégration
C’est l’Édit de Tolérance de 1787 qui exige des municipalités qu’elles fournissent un cimetière aux sujets non catholiques. La Révolution renforce les droits des non catholiques, mais c’est le Consulat qui parachève les droits des Églises par la loi du 18 germinal an X, 8 avril 1802 promulguant le concordat du 15 juillet 1801. C’est dans le cadre concordataire du décret du 23 prairial an 12, 12 juin 1804, jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État que ce « champ de morts » se développera. Grâce à l’habileté des juristes protestants nîmois, ce cimetière restera privé après un contentieux gagné en 1910 devant le Conseil d’État.
Les autres cimetières collectifs protestants privés sont au nombre de 4, tous postérieurs à celui de Nîmes :
- 1809 : Montpellier,
- 1825 : Bordeaux et Castres,
- 1838 : Cournonsec (Hérault).
Hormis les temples de Collet de Dèze et de Vialas ayant survécu à la Révocation de l’Édit de Nantes, le cimetière protestant de Nîmes est le plus ancien patrimoine collectif réalisé par les protestants et dans tous les cas, le plus ancien depuis 1685. Il est la tête de série thématique, il est donc d’une importance évidente pour l’histoire de France.
De 1778 à 1892, le cimetière s’agrandit par le biais de personnes interposées et ce jusqu’au milieu du XIXe . Le premier achat, réservé aux fosses communes, est appelé cimetière gratuit ou Maruejols du nom du Maître jardinier, membre de la paroisse qui en sera officiellement propriétaire puis son fils jusqu’en 1849. Mais les autres parties du cimetière seront payantes comme Jeanne Martin, Jeanne Bergeron et autres.
Le fonctionnement du cimetière laisse place à l’innovation, aux exigences de cette communauté nîmoise, intégrée dans son siècle, à l’évolution de sa façon de vivre sa religion. Les conditions pour être enterrés dans le cimetière protestant sont également empreintes de tolérance.
Description
Dès 1822, le Consistoire décide des plantations, associant les arbres de hautes futaies et des buissons de couleur rose, jaune, blanc. Puis des plans sont ajustés avec une originalité par l’absence de rangées au profit de triangles et une liberté est laissée aux familles dans leur concession des plantations de leur choix. Cyprès, pins, vernis et mûriers de Chine, acacias, alisiers se marient avec du laurier-tin, buis, des rosiers grimpants.
Les frondaisons des arbres se rejoignent formant des voûtes, les allées en terre battue participent de cette atmosphère apaisante de calme et de réconciliation entre la vie et la mort. Les responsables du cimetière font un effort pour endiguer cette nature foisonnante et récupérer les tombeaux pour ne plus les détruire ni leur substituer des tombes standardisées en granit, le règlement du cimetière le proscrit désormais.
L’Église locale consciente désormais du patrimoine exceptionnel dont elle a la charge encourage les reprises des tombes ou chapelles permettant leur restauration. La procédure de classement au titre des Monuments Historiques est complète mais ne peut être finalisée sans l’accord de l’Eglise de Nîmes.
La composition du cimetière a suivi les évolutions des mentalités.
- Le Vestibule était le lieu de rassemblement des convois en 1827, il est agrandi en 1857. Il est devenu l’accès à la Chapelle lors de sa construction en 1874, en réalité un temple, qui a permis de concilier les nouveaux besoins des familles d’une cérémonie lors d’un décès et la rigueur réformée. Les cercueils pouvaient entrer dans cette Chapelle. Ce n’est qu’en 1893, que les Pasteurs accéderont aux demandes des parents d’enfants décédés de plus de cinq ans de les accompagner au cimetière. Encore aujourd’hui à Nîmes, une décision du Conseil presbytéral est nécessaire pour qu’un défunt pénètre dans les Temples de la ville.
- Les murs de 2,50 m entourant le cimetière ont fait l’objet de dépenses importantes pour leur réfection, notamment lors des crues du Cadereau de 1988 à l’origine de dégradations.de nombreuses tombes.
- Le premier dépositoire date de 1827. On raconte qu’autrefois à Nîmes dans le cimetière, la chambre du concierge se situait au-dessus du dépositoire. Lorsqu’on entreposait un corps, un pied était attaché à une corde, elle-même reliée à une cloche fixée dans la chambre du concierge. Il était ainsi prévenu si le mort reprenait vie. Le dépositoire actuel construit en 1890 jouxte la chapelle.
- La sacristie du Désert rappelle le lieu où les Pasteurs endossaient leur robe avant d’aller présider un culte clandestin au Serre du Diable, juste proche du futur cimetière et qui explique sans doute le choix de sa construction en cet endroit. La chaire démontable était installée et le pasteur s’habillait dans une maisonnette qui fait partie du cimetière. En 1863, le conseil presbytéral appose au dessus de cette porte, une plaque avec l’inscription suivante : « Sacristie du Désert pendant le temps de ses assemblées à l’Ermitage de 1784 à 1787 ».
Les premiers enterrements protestants étaient en pleine terre, le corps dans un linceul, sans signe distinctif, comme au XVIe. Puis des pierres marquent la bordure de la sépulture recouverte de terre battue et éventuellement de gravier. Ensuite, une pierre tumulaire, souvent jouxtée par celles des membres de la famille, entourée éventuellement d’une chaîne, reconstitue en quelque sorte le pré familial. Les gravures d’épitaphe singularisent les sépultures ultérieures.
L’étape suivante sera un tombeau important, avec caveau, surplombé d’une pierre plate recouverte d’une autre plus petite. De très nombreux exemples figurent au cimetière. De 1840 à 1910 près de la moitié des tombes ne comporte pas de stèles qui jusque là servent à porter les croix, très répandues chez les catholiques.
Les chapelles funéraires apparaissent vers 1830 et se développent à partir de 1843, date où la loi autorise les monuments funéraires favorisant l’individualisation des tombes. Elles démontrent aussi que les protestants sont dans le siècle et n’hésitent plus à se faire édifier des constructions funéraires exemptes de modestie. Ces constructions seront essentiellement en calcaire des carrières environnantes. Il est rare de rencontrer des croix dans ce cimetière. Les tombeaux restent sobres, mais les décorations des chapelles évoluent et se multiplient dans le registre symbolique en sculptures de palmes, couronnes d’oliviers, de roses, d’immortelles, acanthes, vigne, d’urnes utilisées comme vases pour des fleurs en pierre. Les animaux sont variés, ainsi que les lampes à huile.
L’étude des épitaphes a montré que leur présence apparaît en 1858 et qu’elles sont liées à l’inhumation dans un lieu collectif, le besoin de s’identifier. Mais une culture biblique transparait. Les deux textes les plus courants sont « Aimez vous les uns les autres, (Jean 15 – 12) », « Que ta volonté soit faite (Mathieu 6 – 10) ».
Les personnalités enterrées sont locales pour l’essentiel, avec l’entrecroisement des histoires familiales.
Sélection de photos
Cette série de photos du cimetière protestant de Nîmes montre la variété d’inspiration des tombes protestantes selon les siècles, des plus austères et anonymes à d’autres plus ornées.
Cimetière protestant de Nîmes
17 Avenue Pasteur Paul Brunel, 30000 Nîmes
Bibliographie
- Sites
- NEGRE Anne, Les protestants et la mort le cimetière protestant de Nîmes | Lien
- Livres
- NEGRE Anne, La contribution à l’histoire de patrimoine, le cimetière protestant de Nîmes 1778-1910, 2000
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