L’Union des provinces ou l’État huguenot (1573-1577)
En réaction à la Saint-Barthélemy en 1572, les protestants du sud de la France se rassemblent et fondent en 1573 une communauté administrative qu’ils ont appelée l’Union des provinces dans le but de vivre avec leur foi protestante dans la paix civile et religieuse. Elle est devenue l’instrument militaire et politique de son dernier protecteur, Henri de Navarre.
Un État huguenot en réponse aux excès de la monarchie
À la suite de l’édit de Saint-Germain de 1570, qui accorde quelques libertés aux protestants et quatre places de sûreté, une apparence de paix et de calme règne en France. Les partis semblent cohabiter tranquillement, jusqu’à la Saint-Barthélemy, en 1572, qui relance le conflit, et provoque l’exil de nombreux protestants hors de France.
Tous ne quittent pas le royaume, certains se regroupent dans une communauté, une sorte d’État huguenot, appelé aussi ensuite, sur l’exemple des Hollandais, les Provinces-Unies du Midi. Faux rapprochement car il ne s’agit pas d’un État libre, affranchi de la domination d’un autre État souverain.
Il s’agit d’une structure de communautés locales fondée à Millau en février 1573. Chaque province jouit d’une certaine autonomie ; ses protecteurs, élus par l’assemblée générale sont : Henri de Condé, jusqu’en 1574, puis Henri de Montmorency-Damville, jusqu’à son ralliement au roi Henri III en 1577, et enfin Henri de Navarre.
Organisation
L’Union rassemble les provinces du Poitou, du Languedoc, de la Provence, du Dauphiné et du Massif Central. Elle est à connotation urbaine, voire populaire, avec pour objectif la paix quotidienne et la coexistence religieuse.
Au sommet, l’assemblée générale qui réunit tous les six mois les députés des assemblées provinciales. Cette assemblée élit un conseil permanent de quatre membres et un chef militaire. Elle possède les pouvoirs d’un État souverain : diplomatie, taxes, pouvoir législatif et militaire.
Les assemblées provinciales, formées par les représentants des villes et des villages se réunissent tous les trois mois et nomment un conseil permanent et un gouverneur militaire.
Les objectifs
La constitution de l’Union n’a pas ouvertement pour objectif de constituer un État indépendant, et de faire sécession. Au contraire, la fidélité aux institutions du royaume est affirmée, même si les monarchomaques jugent les décisions royales inacceptables, et ce d’autant plus qu’il y a une confusion de plus en plus grande entre les dirigeants de l’État huguenot et les notables locaux de l’administration royale. L’Union n’a d’autre but avoué que « la gloire de Dieu, l’avancement du règne du Christ, le bien et le service de cette couronne et le commun repos de ce royaume ». Toutefois les réalités de l’époque et les menaces catholiques ne permettent pas une vision aussi angélique et, du fait de l’évolution de l’origine géographique et sociale des représentants à l’assemblée générale, l’État huguenot devient un instrument de la prise du pouvoir par Henri de Navarre.
L’évolution de l’État huguenot
A la création de l’État, les députations aux instances fédérales proviennent des régions où le protestantisme est le plus vigoureux, Languedoc en particulier. À l’assemblée de Millau, le protestantisme militant prévaut. Par la suite l’origine géographique des représentants est plus variée puis, dès 1581, les provinces du Sud sont beaucoup plus largement représentées et, en 1588, l’Ouest est majoritaire à l’assemblée de Montauban. Le rapport des forces se fait au profit des régions sous la domination d’Henri de Navarre.
Cette évolution géographique de la députation est renforcée par l’évolution sociologique des députés au sein des instances fédérales. Si, en 1573, quelques roturiers siègent, ce n’est plus le cas dès les assises suivantes. Le clan monarchiste s’empare du pouvoir.
Les gens de l’exécutif provincial appartiennent aux mêmes milieux. Les assemblées sont composées de robins, de hobereaux et de pasteurs.
La mainmise du protecteur sur l’État huguenot
Dès 1577, Henri de Navarre, premier prince du sang, devient le protecteur de l’État huguenot, il en prend le contrôle en peuplant les instances fédérales de ses obligés. Il lève les impôts sur les catholiques comme sur les protestants et affecte une large part du budget de l’État au financement des troupes défendant la cause protestante. C’est ainsi que l’État huguenot devient une machine de guerre contre les incursions armées du pouvoir royal, catholique et centralisateur dans les terres protestantes.
Les réalisations de l’Union des provinces
Le succès majeur de l’Union des provinces est d’avoir réalisé et maintenu l’unité du sud du royaume d’abord contre Montmorency-Damville après son ralliement au roi Henri III, puis contre l’offensive de la Ligue dès 1588.
Il est évident que, dès lors que Henri de Navarre était à la fois le protecteur de l’État huguenot et l’héritier du trône de France, dès 1584 à la mort du duc d’Anjou, les objectifs de l’État huguenot et de son protecteur n’ont pu que converger. L’État huguenot s’est intégré sans heurts dans la France de plus en plus centralisatrice d’Henri IV.
L’existence de l’Union des provinces a assuré une continuité administrative et judiciaire dans le sud du royaume. Il a permis une restauration rapide de l’ordre royal sous Henri IV parce qu’il est resté une composante du royaume. Et en citant Janine Garrisson, on peut se demander :
« Cet étrange pays a-t-il vécu une réalité autre qu’une existence de papier ? »
On peut être d’accord et considérer qu’il n’a été que le début de la conquête du royaume de France par Henri de Navarre. Non pas un État — il n’y a pas de traces de son existence — mais une véritable Union de provinces au service de la conquête de la France par Henri de Navarre avant et après son accession au trône de France.
Bibliographie
- Documents
- FRIES Daniel, Les Huit guerres de religion | Fichier
- Livres
- GARRISSON Janine, Les Protestants au XVIe siècle, Fayard, Paris, 1988
- GARRISSON Janine, Protestants du Midi, 1559-1598, Privat, Toulouse, rééd. 1991
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