Martin Luther King
(1929-1968)

Le pasteur baptiste afro-américain, Martin Luther King, est le leader de la lutte évangélique non-violente contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Figure majeure du XXe siècle, il reçoit à 36 ans le prix Nobel de la paix en 1964 mais il est assassiné en 1968.

Né à Atlanta (Géorgie) le 15 janvier 1929, issu de la middle-class, Martin Luther King hérite du nom de son père, également pasteur baptiste. Ce dernier avait adopté ce nom en hommage au réformateur allemand après un congrès de l’Alliance baptiste mondiale tenu à Berlin en 1934.

La formation de Martin Luther King Junior

Après des études de sociologie au Morehose College réservé aux Noirs, Martin Luther King entre au séminaire de théologie de Crozer à Chester (Pennsylvanie). Avant la fin de sa licence de théologie en 1951, il prêche dans l’église baptiste d’Ebenezer à Atlanta, là où son grand-père, Adam Daniel Williams, lui-même fils de pasteur, avait officié.

Il se marie en 1953 avec la fille d’un pasteur baptiste avec qui il aura deux filles et deux garçons. Il prononce ses premiers sermons à vingt-cinq ans à la Dexter Avenue Baptist Church de Montgomery (Alabama) et obtient son doctorat en théologie à l’université de Boston en 1955. Il demande à tous ses fidèles d’adhérer à la National Association for the Avancement of Colored People (NAACP) dont l’objet est de lutter contre l’exclusion et les inégalités sociales.

Ses premiers engagements non violents à Montgomery : le boycott des bus

Le 17 mai 1954, la Cour suprême des États-Unis déclare inconstitutionnelle la ségrégation dans les établissements scolaires, ce qui représente un encouragement à dépasser toute soumission. C’est ainsi que le 1er décembre 1955, Rosa Parks, militante noire de la NAACP, refuse de céder sa place dans un bus à un Blanc. Par ce geste, elle marque un acte de désobéissance civile et accepte les conséquences de son attitude (amende et prison). Martin Luther King fait aussitôt distribuer des tracts pour appeler tous les Noirs chauffeurs de taxis à organiser des covoiturages pour boycotter les bus, amenant la Montgomery City Line au bord de la faillite ; Martin Luther King entame alors des négociations avec des représentants blancs de cette compagnie.

Élu à vingt-six ans président de la Montgomery Improvement Association (MIA) qui a pour objet de venir en aide aux Noirs grâce à des soutiens financiers étrangers, Martin Luther King entame son premier discours au meeting organisé à la Holt Street Baptist Church par ces mots : « Le peuple est fatigué d’être plongé dans les abysses de l’humiliation ». Montgomery est sa première épreuve du feu : sa maison est plastiquée en 1956. Son église est dynamitée peu de temps après. Il est arrêté. La MIA est accusée de violation de la loi anti-boycott en 1956. Elle porte une requête en non-constitutionalité de cette loi de discrimination dans les bus. La Cour suprême déclare cette loi anticonstitutionnelle et la ségrégation dans les bus cesse. C’est le premier succès de Martin Luther King dans l’acquisition des droits civiques en faveur des Noirs.

Martin Luther King participe, en 1957, à la fondation de l’organisation pacifique la Southern Christian Leadership Conference (SCLC) dont il devient le président. Il réclame le droit de vote pour tous. Le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, le soupçonne d’être lié aux communistes à travers ce mouvement et le pousse à bout par une lettre infamante adressée à sa femme. En 1957, Martin Luther King et sa femme sont battus sauvagement. Le 19 septembre 1958, au moment où le pasteur dédicace son livre « Marche pour la liberté », il est à nouveau agressé, cette fois par une jeune noire déséquilibrée.

Rencontre décisive avec Gandhi

Il part en 1958 à Paris, à Londres, puis en Inde où il rencontre Gandhi en 1959, et enfin passe par Jérusalem et Le Caire. Il revient marqué par la résistance non-violente du Mahatma Gandhi qui devient le modèle de la philosophie de son action. Ses techniques sont : les sit-in, les jails-in, les wade-in et les kneel-in. Il s’agit par ces actes de manifester assis, d’engorger les prisons pour accélérer les sorties, de pénétrer dans tout lieu de ségrégation, de s’agenouiller dans les églises blanches. Puis il retourne à Atlanta en 1959. Arrêté pour un sit-in, il est libéré par John Fitzgerald Kennedy qui vient d’être élu de justesse à la présidence des États-Unis, en novembre 1960, grâce aux votes des Noirs.

Le combat mené à Birmingham

Après une action menée à Birmingham (Alabama) en 1963, le Ku Klux Klan sème la terreur. Martin Luther King est à nouveau jeté en prison le 13 avril. Il répond par lettre à dix-huit ecclésiastiques modérés de toutes confessions qui lui reprochent d’être un trublion, un outsider. Dans cette « Letter from Birmingham jail », il réfute les accusations de ses adversaires chrétiens et juifs en sept points :

  1.  Il balaie l’accusation d’outsider puisqu’il est mandaté par une association qui a des filiales dans tous les États-Unis.
  2.  Il est à Birmingham parce qu’il est solidaire de l’injustice qui y règne.
  3.  S’il est un extrémiste, il l’est pour l’amour de son prochain y compris de ses ennemis. Jésus n’était-il pas un extrémiste de l’amour ? Le nouveau pouvoir, comme l’ancien, a besoin d’être bousculé pour enfin agir. La liberté n’est jamais accordée de bon gré, elle est arrachée par l’opprimé.
  4.  Nous, les Noirs, avons attendu pendant plus de trois cents quarante ans, nous ne pouvons plus attendre car le « attendez » signifie presque toujours « jamais ».
  5.  Le temps est un allié des forces de stagnation sociale. Les nations d’Asie et d’Afrique progressent vers l’indépendance politique à vive allure.
  6.  La grande majorité de vos frères noirs étouffe dans des prisons immondes avec le sentiment de n’être personne.
  7.  L’impatience est légitime et inévitable.

Pour Martin Luther King, en effet, une acceptation tiède est plus irritante qu’un refus pur et simple. L’action menée ne précipite pas la violence. Elle combat la maladie de la ségrégation. Elle rend visible des frustrations accumulées, une tension cachée qui existe déjà.

Puis, à la naissance de son quatrième enfant, Martin Luther King écrit à J.F. Kennedy, l’invitant à se mettre à la place d’un enfant noir grandissant à Birmingham.

« Vous seriez né dans un hôpital Jim Crow (Jim Crow est l’homme politique qui a imposé une partition entre le Nord libre et le Sud ségrégationniste) de parents vivant sans doute dans un ghetto. Vous seriez inscrit dans une école Jim Crow. Vos passeriez votre enfance à jouer dans les rues parce que les parcs « colorés » seraient absolument inappropriés… Si votre famille allait à l’église, vous iriez dans une église noire… Vous habiteriez dans une ville où la brutalité faite aux noirs… Vous trouveriez une atmosphère générale de violence… ».

Il rédige aussi un livre autour de dix-huit sermons intitulé Loving your Ennemies.

La marche sur Washington : « I have a dream »

Le 22 juin 1963, Martin Luther King rencontre Kennedy et marche en août sur Washington pour la liberté et le travail. C’est là, devant la statue de Lincoln au Mason Temple, qu’il prononce en août son célèbre discours « I have a dream » d’une puissance inouïe. De grands acteurs sont présents auprès de Martin Luther King (Sidney Poitier, Mahalia Jackson, Marlon Brando, Joséphine Baker, Joan Baez, Bob Dylan…) pour accompagner une révolution qui traverse le pays malade d’avoir eu besoin d’inventer le « nègre » à un moment donné de son histoire.

« Je rêve qu’un jour le fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité… Je fais le rêve que mes quatre enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère… que dans chaque cité nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu… pourront se tenir la main et chanter les paroles du vieux ‘‘ spiritual’’ noir : « Libres enfin, Libres enfin. Merci Dieu Tout-puissant, nous voilà libres enfin ».

Martin Luther King est alors mis en prison. Il y écrit Why We can’t Wait (« Pourquoi nous ne pouvons plus attendre »). Le président Lyndon Johnson décide de signer The civil rights Act en 1964. Martin Luther King annonce à la télévision en 1964, comme l’avait fait John Fitzgerald Kennedy, que d’ici quarante ans les Américains éliront un président noir, prophétie réalisée le 4 novembre 2008 avec l’élection de Barack Obama.

Le « dimanche sanglant » et la victoire des droits civiques des Noirs (1965)

Martin Luther King dirige plusieurs marches des droits civiques accompagnées de « negroes spirituals » qui renvoient aux racines de l’esclavage, galvanisant les troupes en les unissant. Après avoir reçu le prix Nobel de la paix en 1964, dès son retour d’Oslo, il est invité en décembre par le président Lyndon Johnson à la Maison-Blanche pour parler d’un grand projet de société, mais Martin Luther King s’en tient au droit de vote et reprend ses marches contestataires. La première à Selma (Alabama) le mène en prison jusqu’au début février 1965.

De Selma à Montgomery en mars, Martin Luther King décide une nouvelle marche qui se solde par un « dimanche sanglant » (a « bloody Sunday »). Le 9 mars, il prend la tête d’une manifestation menée par des rabbins, prêtres et pasteurs blancs et noirs. Deux jours plus tard, le président Johnson annonce à la télévision que la cause des droits civiques est entendue. Il conclut en reprenant une expression de Martin Luther King « and we shall overcome » (« nous vaincrons »). Martin Luther King comprend qu’il a gagné. Le 3 août 1965, le National Civil Rights Act est ratifié par le Congrès américain. La lutte des noirs est le fer de lance d’un combat qui touche toute minorité défavorisée.

La lutte s’étend en faveur des exclus du pouvoir économique et politique

Les luttes engagées depuis dix ans se sont à peine attaquées aux problèmes économiques qui se posent aux Noirs. Or, à Chicago, Martin Luther King découvre que 30% des noirs, acquis à l’esprit et à l’action armée du « Black Power » contre la brutalité policière, connaissent le chômage, source d’émeutes durant les étés torrides succédant à de longs hivers très froids. Le 10 juillet 1966, tel Luther affichant ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg en 1517, Martin Luther King appose, sur la porte de l’hôtel de ville de Chicago, un appel à toutes les minorités pauvres pour boycotter les commerces et les entreprises qui leur refusent le droit à l’emploi. La désobéissance civile fait désormais partie des armes de Martin Luther King. Le maire de Chicago, sous la pression, cède et négocie un accord pour faciliter l’accès au logement des familles solvables sans considération de couleur.

Memphis et la campagne pour les pauvres et les opprimés

L’action de Martin Luther King déborde vite les limites de la population noire pour s’étendre à des déclarations contre l’intensification de la guerre du Vietnam en 1965. Il appelle à l’arrêt des bombardements du Nord-Vietnam et plaide en faveur de tous les pauvres et des opprimés. Il tient notamment un discours retentissant devant l’Union des syndicats de l’automobile en Californie. Il devient l’homme à abattre.

En 1968, Martin Luther King est appelé par la NAACP à participer à la grève de mille trois cents éboueurs noirs de la ville Memphis, sur les bords du Mississipi, qui défilent en silence avec des pancartes « I am a man », réclamant ainsi la reconnaissance de leur humanité. Malgré les menaces de mort dont il est l’objet, Martin Luther King se veut non-violent. Il s’oppose au mouvement du « Black Power », beaucoup plus radical, du type de l’action de Malcom X, « le rouge », converti à l’islam. Pour Martin Luther King, symboles de violence et de haine, Malcom X et le « Black Power », ne peuvent que déconsidérer les Noirs auprès des pouvoirs publics.

L’action de Martin Luther King s’étend alors à tous les pauvres, noirs, chicanos, indiens ou blancs contre la société blanche soucieuse de sa tranquillité et de son statu quo social. Après bien des menaces de mort, bien des agressions physiques et bien des emprisonnements, le leader des droits civiques est assassiné le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee) à l’âge de 39 ans, après treize années de luttes. Il venait de prononcer son dernier discours :

« Les masses populaires se dressent partout que ce soit à Johannesburg en Afrique du Sud, à Nairobi au Kenya, à Atlanta, Memphis… Si rien n’est fait et de toute urgence dans le monde entier… c’est le monde entier qui ira à sa perte… Quelque chose est en train d’arriver à Memphis… Je vous demande ce soir d’aller voir vos voisins pour leur dire de ne plus acheter de Coca-Cola… de retirer vos économies des banques pour les déposer à une « banque à nous », « la Tri-State Bank…».

A titre posthume, il reçoit la médaille présidentielle de la liberté en 1977, puis la médaille d’or du Congrès en 2004. Ronald Reagan signe, le 2 novembre 1983, le King Day Bill, qui institue un nouveau jour férié dans le calendrier américain. Ce jour est observé chaque année le 4 avril, jour anniversaire de la mort de Martin Luther King, depuis l’an 2000 par tous les États américains sans exception.

Bibliographie

  • Bücher
    • COMBESQUE Marie-Agnès, Martin Luther King Jr. Un homme et son rêve, Le Félin, Paris, 2009
    • FOIX Alain, Martin Luther King, Gallimard, Folio biographies, Paris, 2012
    • KING Martin Luther, Stride Toward Freedom : The Montgomery Story, Harper & Row, New York, 1958
    • KING Martin Luther, Why We Can’t Wait, Harper & Row, New York, 1963
    • KING Martin Luther, Strength to Love, Harper & Row, New York, 1963
    • KING Martin Luther, Where Do We Go From Here : Chaos or Community ?, Harper & Row, New York, 1967
    • KING Martin Luther, The Trumpet of Conscience, Harper & Row, New York, 1968
    • LAURENT Sylvie, Martin Luther King : une biographie, Éditions du Seuil, Paris, 2015
    • ROGNON Frédéric, Martin Luther King, une vie pour la non-violence évangélique, Olivétan, Lyon, 2014

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