André-Numa Bertrand (1876-1946)

André-Numa Bertrand, pasteur réformé et théologien libéral, est un des principaux acteurs de la création de l’Église réformée de France en 1938. Vice-président de la Fédération protestante de France (FPF), qu’il représente en zone occupée de 1940 à 1943, il intervient en faveur des juifs. Ses prédications, à l’Oratoire du Louvre, sont un exemple de résistance spirituelle à l’occupation allemande.

Le théologien

Pastor André-Numa Bertrand (1876-1946) © www.oratoiredulouvre.fr
Pastor André-Numa Bertrand (1876-1946) © www.oratoiredulouvre.fr

André-Numa Bertrand naît en 1876 à Milhaud (près de Nîmes) où son père est pasteur.

Après des études de théologie à Genève, puis de philosophie, il souhaite partir à Madagascar, au service de la Société des missions évangéliques de Paris. Mais sa candidature n’est pas retenue, en raison de ses positions théologiques jugées trop libérales.

Consacré pasteur en 1899, il exerce d’abord son ministère au Fau (1899-1902), à Castres (1902-1914), puis à Lyon (1914-1926), et enfin à l’Oratoire du Louvre à Paris (1926-1946).

Sa théologie rejoint le symbolo-fidéisme qui, en refusant le principe d’autorité, propose une religion de l’Esprit, fondée sur l’expérience spirituelle et sur l’Évangile qui en est la source.

Dans son livre Protestantisme : simples notes sur quelques aspects du problème religieux, paru en 1931, se trouve un appel à la vie intérieure qui se nourrit de l’œuvre et de la personne du Christ.

L'engagement pour la réunification des Églises réformées

Schematische Darstellung: die reformierten Kirchen in Frankreich © Musée Virtuel du Protestantisme
Pastor Marc Boegner © Réforme

En 1922, le pasteur Bertrand est élu président du Comité général de l’Union des Églises réformées (UER), le courant libéral des Églises réformées. A ce titre, il est engagé dans les débats entre les Églises réformées. Il considère que l’unité ecclésiastique n’est ni d’ordre doctrinal ou historique : elle ne peut se réaliser que dans un cadre spirituel, par la foi qui permet de dépasser la rigidité des dogmes. Il est conscient que c’est une œuvre de longue haleine, dans laquelle il faut avancer prudemment mais continuellement.

Des pourparlers en vue d’une union des Églises réformées s’engagent à l’initiative du pasteur Marc Bœgner au début des années 1930. Coprésident de la Délégation mixte qui est constituée à cet effet, le pasteur Bertrand travaille aux côtés de l’autre coprésident, le pasteur Maurice Rohr, président de la Commission permanente de l’Union des Églises réformées évangéliques (UERE). Son rôle est déterminant pour la rédaction de la Déclaration de foi, inspirée de celle du synode de 1872, qui n’avait pas été acceptée par les libéraux. Elle comporte de nombreux ajouts relatifs à la mission de l’Église, un accord intervient en 1936.

Mais il reste à écrire un texte d’adhésion des pasteurs à cette Déclaration de foi, lors de leur consécration. Ce texte, dit Préambule, imposé par le pasteur Bertrand pour défendre les idées des pasteurs libéraux fait l’objet d’âpres discussions avec les pasteurs réformés orthodoxes/évangéliques et ceux des Églises libres et méthodistes. Les débats se poursuivent lors de l’assemblée constituante de l’Église réformée de France à Lyon, en avril 1938 . Grâce au pasteur Bertrand, le vote aboutit à la rédaction suivante : « Vous lui donnerez votre adhésion joyeusement, comme une libre et personnelle affirmation de votre foi. Sans vous attacher à la lettre de ses formules, vous proclamerez le message du salut qu’elles expriment… ».

Le Préambule préserve ainsi une certaine liberté d’engagement des pasteurs, en respectant une pluralité théologique mais, de ce fait, il atténue les formules doctrinales de la Déclaration de foi.

La création de l’Église réformée de France est un indéniable succès : la majorité des Églises réformées rejoint l’Église réformée de France. Mais la réunification n’est pas complète : les autres Églises se constituent en Églises réformées évangéliques indépendantes (EREI) ou restent séparées.

Une voix chrétienne dans la tourmente de la guerre

Temple protestant de l'Oratoire du Louvre © Thibault Godin
Temple protestant de l'Oratoire du Louvre (rue de Rivoli) © Thibault Godin
Temple protestant de l'Oratoire du Louvre (intérieur) © Thibault Godin
Temple protestant de l'Oratoire du Louvre (intérieur) © Thibault Godin

En mai 1940, le pasteur Marc Bœgner, président de la Fédération protestante de France, depuis 1929, s’installe à Nîmes en zone libre pour représenter la Fédération auprès du gouvernement de Vichy, jusqu’à son retour à Paris en mars 1943, quand la France entière est occupée. De son côté, le pasteur Bertrand, vice-président de la Fédération, la représente en zone occupée par les Allemands.

A ce titre, le pasteur Bertrand prend des initiatives dignes et courageuses en faveur des juifs :

  • lettre au maréchal Pétain pour protester contre l’obligation faite aux juifs de porter l’étoile jaune,
  • lettre circulaire aux pasteurs de la zone occupée : « beaucoup d’entre nous ont pensé que la chaire chrétienne ne pouvait rester silencieuse devant l’atteinte ainsi portée à la dignité d’hommes et de croyants »,
  • protestation, après la rafle des juifs au Vel‘ d’Hiv‘, auprès du délégué du gouvernement auprès des autorités d’occupation « contre l’extermination d’une race, le martyre immérité de ses femmes et de ses enfants ».

André-Numa Bertrand et ses collègues de la paroisse de l’Oratoire (les pasteurs Paul Vergara et Gustave Vidal), de même que des pasteurs d’autres paroisses parisiennes, s’inspirent de l’exemple de l’Église confessante allemande (Bekenntisse Kirsche) qui s’est opposée au nazisme dès le début de ce régime (cf. confession de Barmen de 1934). Pendant l’occupation, ils prononcent des prédications dans lesquelles ils manifestent leur résistance spirituelle, parfois devant des officiers et soldats allemands présents au culte. Les prédications de l’Oratoire à cette époque sont publiées dans le Bulletin mensuel de l’Église réformée de l’Oratoire, sous le titre « Une voix dans la tourmente : votre Église vous parle ».

Après la libération de Paris, le pasteur Bertrand poursuit son ministère à l’Oratoire. Il meurt en 1946, à l’âge de 70 ans, peu après son départ à la retraite, laissant le souvenir de la richesse et du courage de ses prédications.

Bibliographie

  • Bücher
    • BERTRAND André-Numa, Protestantisme : simples notes sur quelques aspects du problème religieux, Je sers, 1938
    • BERTRAND André-Numa, Le journal de ma solitude, Je sers, 1940
    • BOEGNER Marc, L’exigence œcuménique, Albin Michel, Paris, 1968
    • CABANEL Patrick et ENCREVE André , Dictionnaire biographique des protestants français, de 1787 à nos jours, Editions de Paris - Max Chaleil, Paris, 2015, Tome 1 : A-C
    • LONGEIRET Maurice, Les déchirements de l’Unité (1933-1938), Excelsis, 2005
    • MANEN Henri, Le pasteur André-Numa Bertrand, témoin de l’unité évangélique, CNRS, 1960
  • Artikels
    • FATH Pierre, „Une voix chrétienne dans la tourmente“, Évangile et Liberté, mai 2004, Numéro 177 | Link

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