John Wesley (1703-1791), fondateur du méthodisme

Wesley est sans doute l’une des figures les plus marquantes du protestantisme. Pasteur anglican formé à l’université d’Oxford, il est issu de ce mélange singulier d’anglicanisme, de dissidence et de puritanisme. Éminent par son éloquence et sa piété, il est à l’origine du méthodisme.

Formation

Wesley, John (1703-1791)
Susanna Wesley (1669-1742)

John Wesley, est né en1703, dans la famille d’un ministre de l’Église d’Angleterre, Samuel Wesley (1662-1735), alors recteur d’Epworth. Ses parents sont issus d’un strict milieu puritain. Son grand-père maternel, le docteur Annesley, est l’un des théologiens marquants du puritanisme. Son aïeul paternel, prédicateur laïc, est victime de la réaction religieuse consécutive à l’avènement de Charles II.

Pourtant, ses parents se rallient très tôt à l’Église d’Angleterre. Samuel Wesley, son père, très sérieux dans l’exercice de sa charge pastorale, épris d’ordre et de discipline, s’attire la colère de certains paroissiens par son rigorisme. Sa mère, Suzanne Wesley, est restée célèbre pour la méthode d’éducation qu’elle employa avec les dix-neuf enfants qu’elle éleva dans une discipline visant à leur inculquer dès leur jeune âge les principes de la religion et de la piété. Le jeune Wesley grandit dans une atmosphère chrétienne pieuse.

Wesley reçoit enfant le « baptême du feu » lors de l’incendie du presbytère d’Epworth dont il échappe miraculeusement. Diplômé d’Oxford, il est le suffragant de son père de 1727 à 1729, tandis que son frère cadet Charles, réunit un petit cercle d’étudiants « pieux » dont John, à son retour à Oxford, prend la direction. Ce Holy Club (1729-1735), société estudiantine, est consacré à la lecture des textes anciens et de la Bible. Ses membres, très attachés à la discipline universitaire, observent scrupuleusement l’Écriture et communient une fois par semaine, le dimanche à Christ Church, ce qui leur vaut le nom de « méthodistes ».

L’expérience américaine

En 1735, John Wesley, ordonné prêtre anglican, part avec son père et deux amis évangéliser les Indiens de Géorgie aux États-Unis. John Wesley apprend l’allemand pour communiquer avec les moraves au cours de la traversée. Au terme d’un voyage périlleux,  où la vie s’organise entre dévotion, évangélisation et étude, Wesley débarque en Géorgie. Il considère cette Amérique comme « terre de mission », dans le but avoué d’y réduire l’influence des quakers. Mais il est déçu de ne pouvoir effectuer un travail missionnaire auprès des Indiens. Ainsi, il regagne l’Europe, ébranlé dans sa foi par la fréquentation des moraves.

Avant de revenir au Royaume Uni, il prend le chemin de l’Allemagne, à Marienborn puis à Eisenach, ville natale de Luther.

De retour à Londres, John Wesley fréquente la communauté morave. Le soir du 24 mai 1738, lors d’une « réunion fervente », il a l’intime certitude de la rémission de ses péchés et « sent son cœur s’échauffer étrangement ». Ce jour là marque sa seconde naissance. Il découvre que du Christ seul, dépend son salut. Cette sorte de conversion devient une caractéristique du méthodisme.

Cinquante années d'errance au service de la foi

La vie de John Wesley est exemplaire dans sa routine : levé à 4 heures, chaque matin, pour tenir à 5 heures la première réunion de la journée. Après quoi, en robe de clergyman, mais sans perruque, un livre à la main, les jambes bottées, car les routes sont mauvaises, Wesley enfourche son cheval après avoir minutieusement préparé son voyage. Vent ou pluie, neige ou chaleur accablante, il réunit, une fois parvenu au village où on l’attend, les membres de la communauté méthodiste. Si le pasteur anglican lui accorde l’usage de l’église, Wesley y prêche volontiers. S’il vient trop de monde, il parle du parvis, ou d’une fenêtre. Si les portes lui sont fermées, il prêche dans la halle du marché, dans une grange, sous un gros arbre, sur la plage ou dans un pré. Quoi qu’il en soit, une ou deux fois dans la journée, il adresse un appel aux gens du village, à l’improviste, monté sur une chaise ou sur une grosse pierre, dans la rue principale. Puisque les gens ne viennent pas dans les temples, il va les chercher dans les rues ou à la sortie de leur travail.

Cette existence de tournées pastorales va durer quarante-huit ans. Voyageur infatigable et frugal, il s’arrête quelques jours dans une ville, traverse un village, y exhorte la foule à la conversion, avant de poursuivre sa route, durant des semaines, jusqu’à ce qu’il revienne à Londres pour quelques jours, afin d’y mieux préparer une nouvelle tournée de prêches. Rien ne reflète mieux l’activité et la foi de Wesley que la monotonie laborieuse de son existence.

La foi et la loi

Statue of John Wesley at Saint Paul's Cathedral in London
Statue of John Wesley at Saint Paul's Cathedral in London

En 1741, Wesley se sépare des luthériens et des calvinistes. Il reprochait aux uns une valorisation exclusive de la grâce aux dépens de la Loi. Aux autres, il contestait la doctrine de la prédestination. Son père, fervent partisan de la High Church, s’opposait au calvinisme. Il y ressent toute sa vie une vive aversion envers ce qu’il appelait “l’horrible décret”.

Wesley se réclame de l’arminianisme, face au calvinisme doctrinal. Le christianisme authentique, c’est celui auquel on parvient par la conversion. Il faut donc « s’éveiller » à la vraie foi. Ce réveil, cette résurrection s’inspire directement de l’Épître de Paul aux Éphésiens. Il implique un retour à l’Eglise des origines, au « christianisme scripturaire » ou christianisme des premiers temps. Wesley ne cessera d’opposer la doctrine de la sanctification à celle de l’élection. Pour lui, la doctrine de l’élection « rend inutile la prédication de l’Évangile; elle tend à détruire tout effort vers la sainteté et tout zèle religieux; elle rend inutile la révélation, en même temps qu’elle la fait se contredire elle-même; elle porte atteinte au caractère de Dieu, en faisant de lui un être partial et injuste ».

Wesley n’a pas rejeté la loi spirituelle : le croyant obéit à la loi d’amour, qui se résume par : “Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force (…) et ton prochain comme toi-même.” (Mc. 12,30).

En prêchant le Dieu qui se révèle, Wesley a combattu toute sa vie le déisme des Lumières. Mais sa doctrine de la perfection ressemble à un humanisme optimiste christianisé. Wesley, dans la pratique, combattait ardemment le péché. Homme de principes, à la logique stricte et rigoureuse, il n’a pas voulu céder à un fatalisme résigné, dérivé du calvinisme.

Ni secte ni Église

Portes d'entrée de la Chapelle Wesley à Londres (City Road Chapel)
Entrance gates to Westley Chapel in London (City Road Chapel)

John Wesley est l’un des plus grands prédicateurs de l’histoire de l’Église. Sa prédication est simple, dépouillée, puissante, précise et percutante. Ses prédications orales, sans notes, débutent en 1733. Les sermons publiés ne sont pas forcément identiques aux sermons prêchés. Les sermons publiés sont destinés à instruire les méthodistes et à présenter sa position théologique à un public plus large. Ses sermons sont des sermons doctrinaux, dans le sens d’une théologie dirigée vers la vie chrétienne pratique.

Wesley n’a jamais publié de dogmatique ni d’ouvrage comparable à l’Institution de la religion chrétienne de Calvin ou aux traités théologiques de Luther. En essayant de définir les croyances du mouvement méthodiste, John Wesley fait référence à trois éléments : les actes des conférences méthodistes, sortes de synodes annuels (à partir de 1744),  les annotations sur le Nouveau Testament et les sermons de référence.

Les actes des conférences ne règlent pas seulement des questions d’organisation et de discipline, mais on y discute également des questions de doctrine – surtout au cours des premières. Les décisions les plus importantes sont recueillies dans « Minutes of Several Conversations » (1763).

Wesley publie des annotations sur le Nouveau Testament (Explanatory Notes upon the New Testament, 1754). Il se fonde sur des ouvrages antérieurs de John Guyse (1680-1761), Philipp Doddridge (1702-1751) et Johannes Bengel (1687-1752), piétiste allemand. Wesley regroupe les sermons publiés dans des recueils (Sermons on Several Occasions). Quatre volumes publiés comme « sermons de référence » (Standard Sermons) donnent un cadre doctrinal pour ceux qui prêchent dans les réunions méthodistes.

Les douze règles du prédicateur

1. Soyez diligent. Ne restez jamais un moment sans occupation. Ne soyez pas occupé à des bagatelles. Ne gaspillez pas le temps, et n’en consacrez jamais plus à une chose que le strict nécessaire.

2. Soyez sérieux. Que votre devise soit: “Sainteté à l’Éternel.” Évitez toute légèreté, toute plaisanterie, toute conversation frivole.

3. Entretenez-vous rarement et prudemment avec les femmes, surtout avec les jeunes.

4. Ne faites aucune démarche relativement au mariage sans avoir beaucoup prié et sans avoir consulté vos frères.

5. N’acceptez de mauvais rapports sur personne. Ne croyez au mal que lorsque vous en avez été témoin. Acceptez, en toutes choses, l’interprétation la plus charitable. Souvenez-vous que le juge doit pencher de préférence du côté de l’accusé.

6. Ne parlez mal de personne, de peur que votre parole ne ronge comme un ulcère. Gardez vos pensées pour vous- même, jusqu’à ce que vous soyez en présence de la personne qui est en cause.

7. Dites à chacun ce que vous trouvez mauvais en lui, et cela simplement et le plus tôt possible, de peur que votre cœur n’en soit infecté. Hâtez-vous de rejeter ce feu hors de votre sein.

8. Ne faites pas le Monsieur. Cela ne vous siérait pas mieux que d’imiter un maître de danse. Un prédicateur de l’Évangile est un serviteur de tous.

9. N’ayez honte de rien, sauf du péché; ni d’aller chercher du bois (si vous en avez le temps), ni de puiser de l’eau, ni de cirer vos souliers ou ceux du prochain.

10. Soyez ponctuel. Faites chaque chose exactement en son temps. En général, occupez-vous plutôt à observer nos règles qu’à les changer, non par crainte, mais par conscience.

11. Vous n’avez rien d’autre à faire que de sauver les âmes. C’est pourquoi employez-vous et dépensez-vous à cette oeuvre. Et allez toujours non seulement vers ceux qui ont besoin de vous, mais encore vers ceux qui en ont le plus besoin. Remarquez ceci: ce n’est pas votre affaire tant de fois et de prendre soin de telle ou telle société (communauté locale), mais de sauver autant d’âmes que vous pourrez et ensuite de les faire progresser de tout votre pouvoir dans cette sainteté sans laquelle ils ne peuvent voir le Seigneur. Et n’oubliez pas qu’un pasteur méthodiste doit s’occuper de tous les points, grands et petits, de la discipline. C’est pourquoi vous avez besoin de faire appel à tout le bon sens et à toutes les facultés que vous pouvez avoir.

12. Agissez en toutes choses, non d’après votre volonté, mais comme des “fils de l’Évangile”. Comme tel, vous devez employer votre temps de la manière que nous vous indiquerons; vous devez en consacrer une partie à la prédication et à la visite de maison en maison, et l’autre à la méditation et à la prière. Surtout, si vous travaillez avec nous dans la vigne du Seigneur, il est nécessaire que vous fassiez la portion de l’oeuvre que nous vous assignerons, aux temps et aux lieux que nous jugerons les meilleurs pour la gloire de Dieu.”

Bibliography

  • Books
    • COTTRET Bernard, Histoire de la Réforme protestante, Perrin, Paris, 2001

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