Les Églises sous Louis XV
(de 1724 à 1760)
Sous Louis XV, les Églises protestantes sont toujours interdites et la répression continue. Mais celle-ci varie selon les périodes, selon les provinces et en fonction de la personnalité de l’intendant qui la dirige.
La déclaration de 1724
Le régent meurt en 1723. À son arrivée au pouvoir Louis XV reprend par la déclaration de 1724 toute la législation antiprotestante de Louis XIV. Cette déclaration provoque la consternation chez les protestants qui songent même à se révolter. Antoine Court parcourt la province pour prêcher le calme et convoque un synode pour appuyer son point de vue.
En fait la déclaration de 1724 n’est guère suivie d’effet jusqu’en 1726, lorsque Fleury, évêque de Fréjus, devient Premier Ministre. De nouvelles arrestations et condamnations ont lieu. En 1730, les soldats viennent prendre les Bibles, psautiers et livres de foi chez les protestants de Nîmes et les font brûler sur la place publique.
En 1732, le pasteur Pierre Durand est pris et condamné au gibet. Mais ces persécutions ne freinent pas l’expansion des Églises et de jeunes pasteurs prennent la relève. Le Languedoc envoie des prédicants puis des pasteurs aux provinces de Guyenne, Rouergue et Poitou.
En 1729 Antoine Court, trop menacé, doit quitter la France pour Genève où il a déjà envoyé sa femme et ses enfants. Il s’installe finalement à Lausanne où il veille sur la formation des futurs pasteurs du Désert au séminaire de Lausanne. Il soutient les Églises de France par une importante correspondance. Il défend sans relâche la pratique des assemblées du Désert toujours mal vue dans les milieux du Refuge et cherche des secours pour les Églises persécutées. Il entreprend de rédiger l’histoire de l’Église Réformée depuis la Révocation de l’édit de Nantes mais ne publiera que la partie sur la guerre des camisards. Il réunit une importante documentation rassemblée aujourd’hui à Genève : les papiers Court (qui n’ont pas encore été totalement exploités).
La trêve de 1744
Fleury meurt en 1743, la France est en guerre (guerre de succession d’Autriche 1740-1748), les soldats sont occupés ailleurs. La persécution ralentit. En Languedoc, les protestants s’assemblent en plein jour et le nouveau gouverneur, le duc de Richelieu, laisse faire. Les protestants ont l’illusion que la tolérance est enfin là. Les bourgeois et les nobles qui avaient condamné les assemblées du Désert commencent à y venir, à y faire baptiser leurs enfants et à s’y marier.
En 1744, au synode national de Lédignan (Gard) auquel Antoine Court assiste, il est décidé, pour apaiser le clergé catholique et gagner la Cour à la cause protestante, d’interdire aux pasteurs de polémiquer et de prêcher sur la controverse avec les catholiques. Il y a un projet de lettre au roi et au duc de Richelieu pour réclamer la liberté de conscience.
Antoine Court est nommé député général auprès des pays protestants en remplacement de Benjamin Duplan désigné par le synode de 1727. La tâche du député général consiste à recueillir des fonds auprès des pays du Refuge pour secourir les Églises de France et subvenir aux besoins des étudiants du séminaire de Lausanne.
Reprise de la persécution
Dès 1745, la persécution reprend. L’assemblée du clergé catholique réclame de nouvelles mesures contre la tenue des cultes clandestins. Le nouvel intendant du Languedoc, Le Nain, applique un politique plus énergique que son prédécesseur. Dans le Dauphiné, deux pasteurs sont exécutés : le jeune Louis Ranc et le vieux Jacques Roger à 80 ans, après plus de trente années de ministère clandestin. En Vivarais, un jeune pasteur est exécuté, un autre en Saintonge.
En 1746, la persécution ralentit. La France en guerre craint une entente des protestants avec les puissances étrangères, mais les protestants restent fidèles au roi. Après la Paix d’Aix-la-Chapelle (1748), les persécutions reprennent : enlèvements d’enfants, lourdes amendes pour les villes qui tenaient des assemblées interdites et logement des soldats dans les villes récalcitrantes.
En Languedoc, à partir de 1750, le nouvel intendant, Saint-Priest, inaugure par la force une campagne de re-baptême catholique des enfants baptisés au Désert. Devant le refus des parents, cette campagne occasionne des scènes d’horreur. Certains protestants quittent leur demeure et s’enfuient dans les bois. La Cour craint une nouvelle insurrection et la pression se relâche fin 1752. Le duc de Richelieu revient en Languedoc.
Depuis Lausanne, Antoine Court exhorte les protestants de France à continuer les assemblées au Désert mais à les reprendre de nuit et à effectifs plus réduits. Il publie un mémoire intitulé Le patriote français et impartial (1753). Il se réfère à l’histoire pour montrer que les protestants français ont toujours été loyaux envers le roi, que les assemblées au Désert ne sont pas séditieuses, que les protestants français sont d’honnêtes gens qui ne demandent que la liberté de conscience.
Dernières persécutions
Dès fin 1752, les assemblées reprennent ainsi que les mariages et baptêmes au Désert. L’espoir renaît. Mais en 1754, 30 bataillons arrivent en Languedoc et empêchent toute assemblée. Ils traquent les prédicants et même leurs femmes. Ainsi la femme de Paul Rabaut erre pendant deux ans dans les bois. On offre même des passeports aux pasteurs pour qu’ils sortent du royaume, mais la plupart y restent.
En 1756, le duc de Richelieu est remplacé par le duc de Mirepoix, plus tolérant. Il permet les assemblées si elles se tiennent discrètement. Il correspond même avec des pasteurs modérés comme Paul Rabaut. Comme les protestants de Saintonge ont construit des maisons d’oraison dès 1756 sous l’impulsion du pasteur Louis Gibert, les protestants du Languedoc pensent à reconstruire des temples, mais la troupe intervient aussitôt pour tout démolir.
La persécution continue cependant en Agenais et à Orthez, en Guyenne, Béarn et Dauphiné. Il ne s’agit pas de persécution générale mais plutôt de quelques coups de semonce sporadiques, pour l’exemple.
Même s’il y a encore une dernière exécution, celle du pasteur François Rochette à Toulouse en 1762, les historiens s’accordent sur la date de 1760 pour faire commencer la nouvelle période de tolérance vis-à-vis des protestants. En 1760 Il y a alors plus de 50 pasteurs en activité en France. La Cour ne peut plus espérer convertir les protestants. 1760 voit aussi disparaître celui qui avait été le maître d’oeuvre de la reconstitution clandestine des Églises en cette période héroïque : à Lausanne, Antoine Court meurt le 15 juin 1760 après une longue maladie.
Bibliographie
- Livres
- CARBONNIER-BURKARD Marianne et CABANEL Patrick, Une histoire des protestants en France, Desclée de Brouwer, Paris, 1998
- HUGUES Edmond, Antoine Court. Histoire de la restauration du protestantisme en France au XVIIIe siècle, M. Lévy, Paris, 1872
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